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Un heureux hasard.

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Litteratureaudio.com    Mes chéres amies, c est sur ce site que j ai trouvé l histoitre suivante. Elle a ètè écrite par un auteur que vous connaissez trés bien si vous avez lu les histoires précédentes. Il n y a pas beaucoup d images, mais bientot j en mettrai plus.

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           Le salon était tout petit, tout enveloppé de tentures épaisses, et discrètement odorant. Dans une cheminée large, un grand feu flambait tandis qu une seule lampe posée sur le coin de la cheminée versait une lumière molle, ombrée par un  abat jour d anciennes dentelles, sur les deux personnes qui causaient.
  Elle, la maitresse de maison, une vieille à cheveux blancs, mais une de ces vieilles adorables dont la peau sans rides est lisse comme un fin papier et parfumée, toute imprégnée de parfums, pénétrée jusqu à la chaire vive par les essences fines dont elle se baigne, depuis si longtemps, l épiderme: une vieille qui sent, quand on lui baise la main, l odeur légère qui vous saute à l odorat lorsqu on ouvre une boite de poudre d iris florentine.
Lui était un ami d autrefois, resté garcon, un ami de toutes les semaines, un compagnon de voyages dans l existence. Rien de plus d ailleurs.
  Ils avaient cessé de causer depuis une minute environs , et tous deux regardaient le feu, révant à n importe quoi, en l un de ces silences amis des gens qui n ont pas besoin de parler toujours pour se plaire l un prés de l autre.
  Et soudain une grosse bûche, une souche hérissée de racines enflammées , croula. Elle bondit par dessus les chenets,et, lancée dans le salon roula sur le tapis en jetant des éclats de feu autour d elle.
   La vieille femme, avec un petit cri, se dressa comme pour fuir, tandis que lui, à coups de bottes, rejetait dans la cheminée l énorme charbon et ratissait de sa semelle toute les éclaboussures ardentes répandues autour.
   Quand le désastre fut réparé, une forte odeur de roussi se répandit; et l homme se rasseyant en face de son amie, la regarda en souriant: " Et voilà, dit il, en montrant la bûche replacée dans l âtre, voilà pourquoi je ne me suis pas marié."
   Elle le considéra, toute étonnée, avec cet oeil curieux, des femmes qui veulent savoir, cet oeil des femmes qui ne sont plus toutes jeunes, ou la curiosité est réfléchie, compliquée, souvent malicieuse; et elle demanda: "Comment ca?"
   Il reprit: "Oh, c est toute une histoire, une assez triste et vilaine histoire."
   "Mes anciens camarades se sont souvent étonnés du froid survenu tout à coup entre un de mes meilleurs amis , qui s appelait, de son petit nom,Julien, et moi. Ils ne comprenaient pas comment deux intimes, deux inséparables comme nous étions, avaient pu tout à coup devenir presque étranger l un à l autre: Or, voici le secret de notre éloignement.
    Lui et moi, nous habitions ensemble ,autrefois; Nous ne nous quittions jamais; et l amitié qui nous liait semblait si forte que rien n aurait pu la briser.
    Un soir, en rentrant , il m annonca son mariage.
    " Je recu un coup dans la poitrine, comme s il m avait volé ou trahi. Quand un ami se marie, c est fini, bien fini. L affection jalouse d une femme, cette affection ombrageuse, inquiète et charnelle, ne tolère point l attachement vigoureux et franc, cet attachement d esprit, de coeur et de confiance qui existe entre deux hommes.
    "Voyez vous Madame, quelque soit l amour qui les soude l un à l autre, l homme et la femme sont toujours étrangers d âme, d intelligence; ils restent deux belligérants; ils sont d une race différente ; il faut qu Ils aient toujours un dompteur et un dompté, un maitre et un esclave; tanôt l un, tantôt l autre; ils ne sont jamais deux égaux. Ils s étreignent les mains, leur main frissonnante d ardeur; Ils ne se les serrent jamais d une large et forte pression loyale, de cette pression qui semble ouvrir les coeurs, les mettre à nu dans un élan de sincère et forte virile affection. Les sages, au lieu de se marier et de procréer, comme consolation pour les vieux jours, des enfants qui les abandonneront, devraient chercher un bon et solide ami, et vieillir avec lui dans cette communion de pensée qui ne peut exister qu entre deux hommes.
     " Enfin, mon ami Julien se maria. Elle était jolie, sa femme, charmante, une petite blonde frisottée, vive, potelée, qui semblait l adorer.
     " D abord j allais peu dans la maison, craignant de gèner leur tendresse, me tenant de trop entre eux. Ils semblaient pourtant m attirer, m appeler sans cesse, et m aimer.
     " Peu à peu, je me laissait séduire par le charme doux de cette vie commune; et je dinais souvent chez eux; et souvent, rentré chez moi la nuit, je songeait à faire comme lui, à prendre femme, trouvant bien triste à présent ma maison vide.
     "Eux, parraissaient se chérir, ne se quittaient point. Or, un soir, Julien m écrivit de venir diner. " Mon bon, dit il, il va faloir que je m absente, en sortant de table, pour une affaire. Je ne serai pas de retour avant onze heures; mais à onze heures précises, je rentrerai. J ai compté sur toi pour tenir compagnie à Berthe."
       " La jeune femme sourit." C est moi d aileurs, qui ai eu l idée de vous envoyer chercher" reprit elle.
       " Je lui serrai la main: " Vous êtes gentille comme tout". Et je sentis sur mes doigts une amicale et longue pression. Je n y pris pas garde; on se mit à table; et, dés huit heures, Julien nous quittait.
       " Aussitôt qu il fut partit, une sorte de géne singuliére naquit brusquement entre sa femme et moi. Nous ne nous étions encore jamais trouvé seul, et, malgré notre intimité grandissant chaque jour, le tête à tête nous placait dans une nouvelle situation. Je parlais d abord de choses vagues, de ces choses insignifiantes dont on emplit les silences embarrassants. Elle ne répondit rien et restait en face de moi, de l autre coté de la cheminée, la téte baissée, le regard indécis , un pied tendu vers la flamme, comme perdue en une difficile méditation. Quand je fus à sec d idées banales, je me tus. C est étonnant comme il est difficile parfois de trouver des choses à dire. Et puis, je sentais du nouveau dans l air, je sentais de l invisible , un je ne sais quoi impossible à exprimer, cet avertissement mystérieux qui vous prévient des intentions secrétes, bonnes ou mauvaise, d une personne à votre égard.
     "Ce pénible silence dura quelque temps. Puis, Berthe me dit:" Mettez donc une bûche au feu, mon ami, vous voyez bien qu il va s éteindre". J ouvris le coffre à bois, placé comme le votre, et je pris une bûche, la plus grosse bûche, que je placais en pyramide sur les autres morceaux de bois aux trois quarts consumés.
" Et le silence recommenca.
      " Au bout de quelques minutes, la bûche flambait de telle facon qu elle nous grillait la figure. La jeune femme releva sur moi ses yeux, des yeux qui me parurent étranges. " Il fait trop chaud, maintenant dit elle; alors donc Lä bas sur le canapé."
      "Et nous voilà partit sur le canapé.
      Puis tout à coup, me regardant bien en face:
" Qu est ce que vous feriez si une femme vous disait qu elle vous aime?"
     Je répondit fort interloqué: " Ma foi, le cas n est pas prévu, et puis ca dépendrait de la femme."
      Alors, elle se mit à rire, d un rire sec, nerveux, frémissant, un de ces rires faux qui semblent devoir casser les verres fins, elle ajouta
      " Les hommes ne sont jamais audacieux ni malins," elle se tut puis reprit:
      " Avez vous déjà été amoureux , Monsieur Paul?
      Je l avouais, oui, j ai déjà été amoureux!
      " Racontez moi ca ", me dit elle.
      Je lui racontais une histoire quelquonque. Elle m écoutait attentivement, avec des marques fréquentes  d improbation et de mépris;  et soudain:
       " Non, vous n y entendez rien. Pour que l amour fut bon, il faudrait il me semble, qu il bouleversât le coeur, tordit les nerfs et ravageât la tète, il faut qu il fut comment dirais je? -dangereux, terrible même, presque criminel, presque sacrilège, qu il fut une sorte de trahison; je veux dire qu il a besoin de rompre des obstacles sacrés, des lois, des liens fraternels; quand l amour est tranquille, facile, sans périls, légal, est ce bien de l amour?"
       "Je ne savais plus quoi répondre, et je jetais en moi même cette exclamation philosophique: O cervelle féminine, te voilà bien!
        " Elle avait pris, en parlant, un petit air indifférent , sainte nitouche; et, appuyée sur les coussins, elle s était allongée couchée, la tête contre mon épaule, la robe un peu relevée, laissant voire un bas de soie rouge que les éclats du foyer enflammaient par instant.
       Au bout d une minute: " je vous fais peur" dit elle. Je protestais. Elle s appuya tout à fait contre ma poitrine et , sans me regarder. " Si je vous disais, moi, que je vous aime, que feriez vous? Et avant que j eusse pu trouver ma réponse, ses bras avaient pris mon cou, avaient attiré brusquement ma tête et ses lèvres joignaient les miennes.
      " Ah ma  chère amie, je vous réponds que je ne m amusais pas! Quoi ! tromper Julien, devenir l amant de cette petite! Folie perverse et rusée, effroyablement sensuelle sans doute, à qui son mari déjà ne suffisait plus!
      Trahir sans cesse, tromper toujours, jouer l amour pour le seul attrait d un fruit défendu, du danger bravé, de l amitié trahie.
      Non, cela ne me parlait guére. Mais que faire? Imiter Joseph, role fort sot et, de plus fort difficile, car elle était affolante en sa perfidie, cette fille, et enflammée d audace, et palpitante et acharnée.
      Oh, que celui qui n a jamais senti sur sa bouche, le baiser profond d une femme préte à se donner, me jette la première pierre.
      .....Enfin, une minute de plus.... Vous comprenez n est ce pas? Une minute de plus et....j étais... non, elle était... pardon, c est lui qu il l était! ou plutot qui l aurait qui l aurait été, quand voilà qu un grand bruit terrible nous fit bondir.
      La bûche, oui, la bûche, Madame, s élancait dans le salon, renversant la pelle, le garde feu, roulant comme un ouragan de flamme, incendiant le tapis et se gitant sur le fauteuil qu elle allait infailliblement flamber.
      Je me précipitais comme un fou, et pendant que je repoussais dans la cheminée le tison sauveur, la porte brusquement s ouvrit! Julien tout  joyeux, rentrait. Il s écria: " je suis libre, l affaire est finie deux heures plus tôt!"
       Oui, mon amie, sans la bûche, j étais pincé en flagrant délit. Et vous apercevez d ici les conséquences!
      Or, je fis en sorte de n être plus repris en situation pareille, jamais, jamais. Puis je m apercu que Julien me battait froid, comme on dit. Sa femme me sapait notre amité; et peu à peu il m éloigna de chez lui;  nous avons cessé de nous voir.
      " je ne me suis point marié. Cela ne doit plus vous étonner.



Médor

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Fox hound Anglais

Mes chères amies: C est un auteur français de la fin du XIX eme début XXeme que j ai choisis cette semaine, il a reçu le prix Nobel en 1921 et voici une de ses nouvelles.


*********************

Le terme étant venu, Mr Bergeret quittait avec sa soeur et sa fille la vieille maison ruinée de la rue de Seine pour s aménager dans un moderne appartement de la rue Vaugirard. Ainsi en avait décidé Zoé et les destins. Durant les longues heures du déménagement, Médor errait tristement dans l appartement dévasté. Ses plus chères habitudes étaient contrariées. Des hommes inconnus, mal vêtus , injurieux et farouches troublaient son repos et venaient jusque dans la cuisine fouler aux pieds son assiette à pâté et son bol d eau fraiche. Les chaises étaient enlevées à mesure qu il s y couchait et les tapis brusquement tirés de dessous son pauvre derrière , qui dans sa propre maison, ne savait plus ou se mettre.



un bon chien infatiguable

Disons à son honneur qu il avait  d abord tenté de résister. Lors de l enlèvement de la fontaine , Il avait aboyé furieusement à l ennemi . Mais à son appel personne n était venu. Il ne se sentait point encouragé, et même , à n en point douter, il était combattu. Mlle Zoé lui avait dit sèchement :
-"Tais toi donc!" et Mademoiselle Pauline avait ajouté : "Médor, tu es ridicule!"


Renonçant  désormais à donner des avertissements inutiles et à lutter seul pour le bien commun, il déplorait en silence les ruines de la maison, et cherchait vainement de chambre en chambre un peu de tranquillité. Quand les déménageurs pénétraient dans la pièce , il se cachait par prudence sous une table ou sous une commode qui demeuraient encore. Mais cette précaution lui était plus nuisible qu utile, car bientôt, le meuble s ébranlait sur lui, se soulevait, retombait en grondant et menaçait de l écraser:¨. Il fuyait, hagard et le poil rebroussé, et gagnait un autre abris, qui n était pas plus sure que le premier.

Le repos en attendant le grand jour


Et ces incommodités, ces périls même, étaient peu de chose auprès des peines qu endurait son coeur. En lui, c est le moral, comme on dit, qui était le plus affecté.


Les meubles de l appartement lui représentaient, non des choses inertes, mais des êtres animés et bienveillants, des génies favorables, dont le départ présageait de cruels malheurs. Plats, sucrier poêlons et casseroles , toutes les divinités de la cuisine; fauteuil, tapis, coussins, tous les fétiches du foyer, ses lares et ses dieux domestiques, s en étaient allés. Il ne croyait pas qu un si grand désastre pût jamais être réparé. Et il en recevait autant de chagrin qu en pouvait contenir sa petite âme. Heureusement que semblable à l âme humaine, elle était facile à distraire et prompt à l oubli des mots.


Durant les longues absences des déménageurs  altérés, quand le balais de la vieille Angélique soulevait l antique poussière du parquet, Médor respirait une odeur de souris, épiait la fuite d une araignée, et sa pensée légére en était divertie. Mais il retombait bientôt dans la tristesse.


Le jour du départ, voyant les choses empirer d heure en heure, il se désola. Il lui paru spécialement funeste qu on empila le linge dans de sombres caisses. Pauline, avec un empressement joyeux, mettait ses robes dans une malle. Il se détourna d elle, comme si elle accomplissait une mauvaise oeuvre. 

Suivez moi

Et, rencogné au mur, il pensait: "Voilà le pire! C est la fin de tout." Et soit qu il crût que les choses n étaient plus quand il ne les voyait plus, soit qu il évita seulement un pénible spectacle, il prit soin de ne pas regarder du coté de Pauline. Le hasard voulu qu en allant et venant, elle remarquât l attitude de Médor. Cette attitude était triste. Elle la trouva comique et se mit à rire. Et en riant elle l appela :
-"Viens Médor, viens." Mais il ne bougea pas de son coin et ne tourna pas la tête. Il n avait pas en ce moment le coeur à caresser sa jeune maitresse et, par un secret instinct, par une sorte de pressentiment, il craignait d approcher de la malle béante. Elle l appela plusieurs fois. Et, comme il ne répondait pas, elle l alla prendre et le souleva dans ses bras. " Qu on est donc malheureux!" lui dit elle; "Qu on est à plaindre!" Son ton était ironique. Médor ne comprenait pas l ironie. Il resta dans les bras de Pauline inerte et morne, et il affectait de ne rien voire et de ne rien entendre. -"Médor regarde moi". Elle fit trois fois cette objurgation et la fit trois fois en vain. Après quoi, simulant une violente colère:"Stupide animal disparais." Et elle le jeta dans la malle, dont elle renversa le couvercle sur lui. A ce moment, sa tante l ayant appelée , elle sortit de la chambre laissant Médor dans la malle.




Un air de chien battu

Il y éprouvait une vive inquiétude. Il était à mille lieues de supposer qu il avait été mis dans cette malle par simple jeux et par badinage. Estimant que sa situation était assez fâcheuse , il s efforça de ne point l aggraver par son imprudence: Et il resta quelques instants immobile, sans souffler. Puis il jugea utile d explorer sa prison ténébreuse. Il tâta avec ses pattes les jupons et les chemises sur lesquels il avait été si misérablement précipité, et il chercha quelque issue pour sortir de ce lieu redoutable. Il s y appliquait depuis deux ou trois minutes quand Monsieur Bergeret, qui s apprêtait à sortir, l appela:
-"Viens Médor, viens." Nous allons nous promener sur les quais. C est le vrais pays de la gloire.On y a bâti une gare d une difformité supérieure et d une laideur éclatante. L architecture est un art perdu. On démoli la maison qui faisait l angle de la rue du Bac et qui avait bon air. On la remplacera sans doute par quelques vilaine bâtisse. Puissent du moins nos architectes ne pas introduire sur le quai d Orsay le style barbare dont il ont donné , a l angle de la rue Washington, sur l avenue des Champs Elysées, un épouvantable exemple!.. -"Viens Médor ! .. Nous allons nous promener sur les quais. C est le vrai pays de gloire. Mais l architecture est bien déchue depuis le temps de Gabriel et de Louis...Ou est le chien?...Médor, Médor!...."


La voix de Monsieur Bergeret apporta à Médor un grand réconfort. Il y répondait par le bruit de ses pattes qui, dans la malle, grattaient éperdument la parois d osier.
"-Ou est le chien? demanda Mr Bergeret à Pauline qui revenait portant une pile de linge.
-" Papa, il est dans la malle."
-"Comment est il dans la malle et pourquoi y est il? demanda Mr Bergeret.
-"Parce qu il était stupide" répondit Pauline.
Mr Bergeret délivra son ami: Médor le suivit jusqu à l antichambre en agitant la queue. Puis une pensée traversa son esprit. Il rentra dans l appartement, courut vers Pauline, se dressa contre les jupes de la jeune fille. Et ce n est qu après les avoir embrassées tumultueusement en signe d adoration qu il rejoignit son maitre dans l escalier. Il aurait cru manquer de sagesse et de religion  en ne donnant pas ces marques d amour à une personne dont la puissance l avait plongé dans une malle profonde.


Histoire de chien


Dans la rue, Mr Bergeret et son chien eurent le spectacle lamentable de leurs meubles domestiques étalés sur le trottoir. Pendant que les déménageurs  étaient allés boire chez le mastroquet du coin, l armoire à glace de Mademoiselle Zoé reflétait la file de passants, ouvriers, élève des Beaux Arts, filles, marchands et les haquets, les fiacres et les tapissières , et la boutique du Pharmacien avec ses bocaux et les serpents d Esculape. Accoté à une borne, Mr Bergeret Pére souriait dans son cadre, avec un air de douceur et de finesse pâle, et les cheveux en coup de vent: Mr Bergeret considéra son Pére avec un respect affectueux et le retira du coin de la borne. Il rangea aussi des offenses le petit guéridon de Zoé, qui semblait honteux de se trouver dans la rue.


Cependant, Médor frotta de ses pattes les jambes de son maitre, leva sur lui ses beaux yeux affligés, et son regard disait:


"-Toi, naguère si riche et si puissant, est ce que tu serais devenu pauvre? Est ce que tu serais devenu faible, Oh mon maitre? Tu laisses des hommes couverts de haillons vils envahir ton salon, ta chambre à coucher, ta salle à manger, se ruer sur tes meubles et les trainer dehors, trainer dans ton escalier ton fauteuil profond, ton fauteuil et le mien, le fauteuil ou nous nous reposions tous les soirs, et bien souvent le matin, à coté l un de l autre. Je l ai entendu gémir dans les bras des hommes mal vêtus, ce fauteuil qui est un grand fétiche et un esprit bienveillant. Tu ne t es pas opposé a ces envahisseurs. Si tu n a plus aucun des génies qui remplissaient ta demeure, si tu as perdu jusqu à ces petites divinités que tu chaussais le matin au sortir du lit, ces pantoufles que je mordillais en jouant, si tu es indigent et misérable , Ô mon maitre que deviendrais je?"





La forêt ( 1)

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La Provence


Pour que le caractère d un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l idée qui la dirige est d une générosité sans exemple, s il est absolument certain qu elle n a cherché de récompense nulle part et qu au surplus elle a laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d erreurs, devant un caractère inoubliable .
Il y a environs une quarantaine d années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans une très vieille région des Alpes qui pénètrent en Provence.
Cette région est délimitée au sud est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Maribeau; au nord par le cours supérieur de la Drome, depuis sa source jusqu à Die; à l ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du Mont Ventoux. Elle comprend toute la partie nord du département des Basses Alpes, le sud de la Drôme me et une petite enclave du Vaucluse.
C était, au moment ou j entrepris cette longue promenade dans ces déserts, des landes nues et monotones, vers 1200 à 1300 mètres d altitude. Il n y poussait que des lavandes sauvages.

Cézanne

Je traversais ce pays dans la plus grande largeur et, après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple. Je campais à coté d un squelette de village abandonné. Je n avais plus d eau depuis la veille et il me fallait en trouver. Ces maisons agglomérées, quoique en ruine, comme un vieux nid de guêpes, me firent penser qu il y avait dû y avoir là, dans le temps une fontaine ou un puit. Il y avait bien une fontaine, mais sèche. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais toute vie avait disparu.
C était un beau jour de Juin avec grand soleil, mais sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses étaient ceux d un fauve dérangé dans son repas.
Il me fallu lever le camp. A cinq heures de marche de là, je n avais toujours pas trouvé d eau et rien ne pouvait me donner l espoir d en trouver. C était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses. Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour un tronc d arbre solitaire. A tout hasard je me dirigeai vers elle. C était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient prés de lui.


Un berger qui ressemblait à un tronc d arbre

Il me fit boire à sa gourde et, un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie, dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau excellente d un trou naturel, très profond, au dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.
Cet homme parlait peu. C était le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans son assurance. C était insolite dans ce pays dépouillé de tout. Il n habitait pas une cabane, mais une vraie maison en pierre ou l on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu il avait trouvé là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages.
Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé; sa soupe bouillait sur le feu. Je remarquais alors qu il était rasé de frais, que ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.
Il me fit partager sa soupe et, comme je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu il ne fumait pas. Son chien silencieux comme lui, était bienveillant sans bassesse.

Il gardait ses moutons

Il avait été entendu tout de suite que je passerais la nuit là; Le village le plus proche était encore à une journée et demi de marche. Et au surplus, je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région.Il y en a quatre ou cinq dispersés loin des uns des autres sur les flancs de ces hauteurs, dans le taillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables. Ils sont habités par des bucherons qui font du charbon de bois. Ce sont des endroits ou l on vit mal. Les familles serrées les unes contre les autres dans ce climat qui est d une rudesse excessive, aussi bien l été que l hiver, exaspèrent leur égoïsme en vase clos. L ambition irraisonnée s y démesure, dans le désir continu de s échapper de cet endroit.
Les hommes vont porte leur charbon à la ville avec leur camion, puis retournent. Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise. Les femmes mijotent des rancoeurs. Il y a concurrence sur tout, aussi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l église, pour les vertus qui se combattent entre elles, pour les vices qui se combattent entre eux, et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Par là dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicide et de nombreux cas de folies, presque toujours meurtrières. 

Le paysage est aride ,peu d eau

Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l un aprés l autre avec beaucoup d attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l aider. Il me dit que c était son affaire. En effet: voyant le soin qu il mettait à ce travail, je n insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du coté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort prés. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s arrêta et nous allâmes nous coucher.

La société de cet homme donnait la paix: Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel, ou plus exactement, il me donna l impression que rien ne pouvait le déranger. Ce repos ne m étais pas absolument obligatoire, mais j étais intrigué et je voulais en savoir plus. Il fit sortir son troupeau et le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d eau le petit sac ou il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés.

Quelques villages en ruine


Je remarquai qu en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d environs un mètre cinquante. Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et il monta vers l endroit ou je me tenais. J eus peur qu il vint me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout: C était sa route et il m invita à l accompagner si je n avais rien d autre à faire. Il allait à deux cents mètres de là sur la hauteur.
Arrivé à l endroit ou il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non . Savait il à qui elle était? Il ne le savait pas. Il supposait que c était une terre communale, ou peut être, était elle propriété de gens qui ne s en souciaient pas? Lui, ne se souciait pas de connaitre les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.
Après le repas de midi, il commença à trier sa semence. Je mis je crois assez d insistence dans mes questions puisqu il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille étaient sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu il était impossible à prévoir dans les desseins de la providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit ou il n y avait rien auparavant.

Berthe Morizo


C est à ce moment là que je me souciai de l âge de cet homme.Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante cinq ans me dit il. Il s appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s était retiré dans la solitude ou il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourrait par manque d arbres. Il ajouta que, n ayant pas d occupation très importante, il avait résolu de remédier à cet état de choses.
Menant moi même à ce moment là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l avenir en fonction de moi même et d une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans il aurait planté tellement d autres que ces dix mille seraient comme une goutte d eau dans la mer.


Un plateau entouré de montagnes


Il étudiait déjà, d ailleurs la reproduction des hêtres et il avait prés de sa maison une pépinière issue de faînes. Les sujets qu il avait protégé de ses moutons par une barrière en grillage, étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds ou, me dit il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.
Nous nous séparâmes le lendemain.
L année d après, il y eut la guerre de 14 dans lequel je fus engagé pendant cinq ans. Un soldat de l infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres. A dire vrai, la même chose n avait pas marqué en moi: je l avais considéré comme un dada, une collection de timbres et oubliée.
Sorti de la guerre, je me trouvais à la tête d une prime de démobilisation minuscule mais avec le grand désir de respirer de l air pur. C est sans idée péconçue , sauf celle là, que je repris le chemin de ces contées désertes.
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Mes chères amies, le texte a été écrit en 1953. Cet auteur est très connu, je vous en ai déjà fais lire un récit il y a quelques mois. La prochaine partie viendra bientôt.

L Homme qui plantait des arbres (2) ( Giono)

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Sur des hauteurs inconnues des touristes


Le pays n avait pas changé. Toutefois , au de là du village mort, j aperçu dans le lointain une sorte de brouillard gris qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m étais remis à penser à ce berger planteur d arbres." Dix mille chênes, me disais je, occupent vraiment un très large espace".
J avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d Elzéard Bouffier, d autant que, lorsqu on a vingts ans, on considère les hommes de cinquante ans comme des vieillards à qui il ne reste plus qu à mourir. Il n était pas mort, il était même fort vert. Il avait changé de métier. Il ne possédait plus que quatre brebis mais, par contre, une centaine de ruches. Il s était débarrassé des moutons qui mettaient en péril ses plantations d arbres. Car me dit il(et je le constatais), il ne s était pas soucié de la guerre.Il avait imperturbablement continué de planter.
Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus haut que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J étais littéralement privé de parole et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous regarder dans sa forêt. Elle avait en trois tronçons onze kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l âme de cet homme-sans moyens techniques- on comprenait que les hommes pouvaient être aussi efficace que Dieu dans d autres domaines que la destruction.

Elzeard Bouffier et son troupeau (Millet)

Il avait suivit son idée, et les hêtres qui m arrivaient aux épaules, répandus à perte de vue, en témoignaient. Les chênes étaient drus et avaient dépassé l âge ou ils étaient à la merci des rongeurs; quant aux desseins de la providence elle même , pour détruire l oeuvre créée, il lui faudrait avoir désormais recours aux cyclones. Il me montra d admirables bosquets de bouleaux qui dataient de cinq ans, c est à dire de 1915, de l époque ou je combattais à Verdun. Il leur avait fait occuper dans les fonds ou il soupçonnait avec juste raison, qu il y avait de l humidité presque à fleur de terre. Ils étaient tendres comme des adolescents et très décidés.
La création avait l air , d ailleurs, de s opérer en chaines. Il ne s en souciait pas; Il poursuivait obstinément sa tâche, trés simple. Mais en redescendant par le village, je vis couler de l eau dans les ruisseaux qui, de mémoire d homme, avaient toujours été à sec: C était la plus formidable opération de réaction qu il m a été donné de voire. Ces ruisseaux secs avaient jadis porté de l eau, dans des temps trés anciens. Certains de ces villages tristes dont j ai parlé au début de mon récit s étaient construits sur les emplacements d anciens villages gallo romains dont il restait encore des traces, dans lesquelles les archéologues avaient fouillé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits ou au vingtième siècle, on était obligé d avoir recours à des citernes pour avoir un peu d eau.
Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l eau réapparut, réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre. 

Le village le plus proche était encore loin


Mais la transformation s opérait si lentement qu elle entrait dans l habitude sans provoquer d étonnement. Les chasseurs qui montaient dans les solitudes à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonnement des petits arbres mais ils l avaient mis sur le comte des malices naturelles de la terre. C est pourquoi personne ne touchait à l oeuvre de cet homme. Si on l avait soupçonné, on l aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique?
A partir de 1920, je ne suis jamais resté plus d un an sans rendre visite à Elzéard Bouffier. Je ne l ai jamais vu réfléchir ou douter. Et pourtant, Dieu sait si Dieu même y pousse! Je n ai pas fais le compte de ses déboires. On imagine bien cependant que, pour une réussite semblable, il a fallu vaincre l adversité ; que pour assurer la victoire d une telle passion, il a fallu lutter avec le désespoir. Il avait, pendant un an, planté plus de dix mille érables. Ils moururent tous. L an d après, il abandonna les érables pour reprendre les hêtres qui réussirent encore mieux que les chênes.
Pour avoir une idée à peu prés exacte de ce caractère exceptionnel, il ne faut pas oublier qu il  s exerçait dans une solitude totale; si totale que, vers la fin de savie, il avait perdu l habitude de parler. Ou, peut être n en voyait il pas la nécessité ?
En 1933, il reçu la visite d un garde forestier éberlué. Ce fonctionnaire lui intima l ordre de ne pas faire de feu dehors, de peur de mettre en danger la croissance de cette forêt naturelle. C était la première fois lui dit cet homme naïf, qu on voyait une forêt pousser toute seule. A cette époque il allait planter des hêtres à douze kilomètres de sa maison. Pour éviter le trajet de l aller et retour- car il avait soixante quinze ans- il envisageait de construire une cabane de pierre sur les lieux même de ses plantations. Ce qu il fit l année d après .

+Il emportait une tringle de fer


En 1935, une véritable délégation  administrative vint examiner la forêt naturelle. Il y avait un grand personnage des eaux et forêt, un député, des techniciens. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose,et, heureusement on ne fit rien, sinon la seule chose utile: mettre la forêt sous la sauvegarde de l état et interdire qu on vienne y charbonner. Car il était impossible de ne pas être subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Et elle exerça son pouvoir de séduction sur le député lui même.
J avais un ami parmi les capitaines forestiers qui étaient dans la délégation. Je lui expliquai le mystére. Un jour de la semaine d aprés, nous allâmes tous les deux à la recherche d Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à vingts kilométres de l endroit ou avait eu lieu l inspection.
Ce capitaine forestier n était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses. Il sut rester silencieux. J offris quelques oeufs que j avais apporté en présent. Nous partageâmes notre casse croute en trois, et quelques heures passèrent dans la contemplation muette du paysage .
Le coté d ou nous venions était couvert d arbres de six à sept métres de haut. Je me souvenais de l aspect du pays en 1913: le désert... Le travail paisible et régulier, l air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C était un athlète de Dieu. Je me demandais combien d hectares il allait encore couvrir d arbres.
Avant de partir, mon ami fit simplement une brève suggestion à propos de certaines essences  auxquelles le terrain d ici paraissait  devoir convenir. Il n insista pas. " Pour la bonne raison, me dit il après que ce bonhomme en savait plus que moi". Au bout d une heure de marche- l idée ayant fait son chemin en lui- il ajouta: "il en sait beaucoup plus que tout le monde. il a trouvé un fameux moyen d être heureux!"

Je traversais le pays dans la plus grandes largeur


C est grâce à ce capitaine que non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme furent protégés. Il fit nommer trois gardes forestiers pour cette protection et il les terrorisa de telle façon qu ils restèrent insensibles à tous les pots de vin que les bucherons pouvaient proposer.
L oeuvre ne courut un risque grave que pendant la guerre de 1939. Les automobiles marchant alors au gazogène, on n avait jamais assez de bois. On commença à faire des coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tout réseaux routiers que l entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. On l abandonna. Le berger n avait rien vu. Il était à trente kilomètres de là, continuant paisiblement sa besogne, ignorant la guerre de 39 comme il avait ignoré la guerre de 14.
J ai vu Elzéard Bouffier pour la dernière fois en Juin 1945. Il avait alors quatre vingts sept ans. J avais donc repris la route du désert, mais maintenant malgré le délabrement dans lequel la guerre avait laissé le pays, il y avait un car qui faisait le service entre la vallée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconnaissais plus les lieux de mes dernières promenades. Il semblait aussi que l itinéraire me faisait passer par de nouveaux endroits. J eus besoin d un nom de village pour conclure que j étais cependant bien dans cette région, jadis en ruines et désolée.Le car me débarqua à Vergons.
En 1913, ce hameau de dix à douze maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de la chasse au piége: a peu prés dans l état physique et moral des hommes de la préhistoire. Les orties dévoraient autour d eux les maisons abandonnées. Leur condition était sans espoir. Il ne s agissait pour eux que d attendre la mort: situation qui ne prédispose guère aux vertus.

C était un beau jour de Juin


Tout était changé. L air lui même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d odeurs. Un bruit semblable à celui de l eau venait des hauteurs: c était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose étonnante j entendit le bruit de l eau coulant dans un bassin. Je vis qu on avait fait une fontaine, qu elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté prés d elle un tilleul qui pouvait avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d une résurrection.
Par ailleurs, Vergons portait les traces d un travail pour l entreprise duquel l espoir était nécessaire. L espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés et reconstruit cinq maisons. Le hameau comptait désormais vingt huit habitants dont quatre jeunes ménages. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardin potager ou poussaient mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules de loup, les céleris et les anémones. C était désormais un endroit ou l on avait envie d habiter.
A partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n avait pas permit l épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flancs abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d orge, de seigle en herbe; au fond des étroites vallées , quelques prairies verdissaient.  

 Il habitait une vraie maison de pierre


Il n a fallu que huit ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d aisance. Sur l emplacement des ruines que j avais vues en 1913, s élevaient maintenant des fermes propres, bien crépies qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On en a canalisé les eaux. A coté de chaque ferme, dans des bosquets d érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthe fraiche. Les villages se sont reconstruit peu à peu. Une population venue des plaines ou la terre se vend cher s est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l esprit d aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes. Si l on compte l ancienne population, méconnaissable depuis qu elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de dix mille personnes doivent leur bonheur à Elzéar Bouffier. 
Quand je réfléchis qu un seul homme, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffit pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que ,malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais quand je fais le compte de tout ce qu il a fallu de constance  dans la grandeur d âme et d acharnement dans la générosité  pour obtenir ce résultat, je suis pris d un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette oeuvre digne de Dieu.
Elzéar Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l hospice de Banon

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Le Marché

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Carte postale brodée

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       Mes chéres amies, je vous ai mis un texte d un auteur bien connu dont vous avez déjà maintes fois découvert le nom.

          Un grand feu flambait dans l âtre. Sur la table japonaise, deux tasses de thé se faisaient face, tandis que la théière fumait à coté contre le sucrier flanqué du flacon de rhum.
 Le comte de Sallure jeta son chapeau, ses gants, et sa fourrure sur une chaise, tandis que la comtesse, débarrassée de sa sortie de bal, rajustait un peu ses cheveux devant la glace. Elle se souriait aimablement à elle même en tapotant, du bout de ses doigts fins et luisants de bagues, les cheveux frisés des tempes. Puis, elle se tourna vers son mari. Il la regardait depuis quelques secondes, et semblait hésiter comme si une pensée intime l eût gêné.
Enfin il dit:
"-Vous a t on fait assez la cour, ce soir?"
Elle le considéra dans les yeux, le regard allumé d une flamme de triomphe et de défi, et répondit:
"-Je l espére bien"
 Puis, elle s assit à sa place. Il se mit en face d elle et reprit en cassant une brioche:
-"C en était presque ridicule....pour moi!"
Elle demanda :
"-Est ce une scéne? Avez vous l intention de me faire des reproches?"
-"Non, ma chére amie, je dis seulement que ce monsieur Burel a été presque inconvenant auprés de vous. Si...si....si javais eu des droits... je me serais fâché."
-"Mon cher ami, soyons franc. Vous ne pensez plus aujourdhui comme vous le pensiez l an dernier, voilà tout. Quand j ai su que vous aviez une maitresse, une maitresse que vous aimiez, vous ne vous occupiez guére si on me faisait la cour ou si on me faisait pas la cour. Je vous ai dit mon chagrin, j ai dit comme vous ce soir, mais avec plus de raison: mon ami, vous compremettez Mme de Servy, vous me faites de la peine et vous me rendez ridicule. Quavez vous répondu? Oh vous m avez parfaitement laissé entendre que j étais libre, que le mariage entre gens intelligents, n était qu une association d intéréts, un lien social, mais non un lien moral. Est ce vrai?
  Vous m avez laissé comprendre que votre maitresse était infiniment mieux que moi,plus séduisante, plus femme! Vous avez dit: plus femme. Tout cela était entouré, bien entendu, de ménagements d homme bien élevé, enveloppé de compliments, énoncé avec une délicatesse auquel je rends hommage. Je n en ai pas moins parfaitement bien compris.
  Il a été convenu que nous vivrions ensemble, mais complétement séparés. Nous avions entre nous un enfant qui formait trait d union.
   Vous m avez presque laissé deviner que vous ne teniez qu aux apparences, que je pouvais s il me plaisait, prendre un amant pourvu que cette liaison resta secréte. Vous avez longuement disserté, et fort bien, sur la finesse des femmes, sur leur habilité pour ménager les convenances, ect..
  J ai compris, mon ami, parfaitement compris. Vous aimiez alors beaucoup Mme de Servy, et ma tendresse légitime, ma tendresse légale qui vous génait. Je vous enlevais, sans doute, quelques uns de vos moyens. Nous avons, depuis lors, vécu séparés Nous allons dans le monde ensemble, nous en revenons ensemble, puis nous rentrons chacun chez nous.
   Or depuis un mois ou deux, vous prenez des allures d homme jaloux. Qu est ce que cela veux dire?"
    -" Ma chére amie, je ne suis point jaloux, mais j ai peur de vous voire vous compromettre. Vous étes jeune, vive, aventureuse...."
    -"Pardon, si nous parlons d aventures, je demande de faire la balance entre nous."
   -"Voyons, ne plaisantez pas, je vous en prie. Je vous parle en ami, en ami sérieux. Quant à tous ce que vous venez de dire c est fortement exagéré."
  -" Pas du tout. Vous avez avoué, vous m avez avoué votre liaison, ce qui me donne l autorisation de vous imiter. Je ne l ai pas fait...."
  -"Permettez..."
  -"Laissez moi donc parler. Je ne l ai pas fait. Je n ai point d amant, et je n en ai pas eu...jusqu ici.
  J attends.... Je cherche...Je ne trouve pas. Il me faut quelqu un de bien...Mieux que vous... C est un compliment que je vous fais et vous n avez pas l air de le remarquer."
-"Ma chére, toutes ces plaisanteries sont absolument déplacées."
-"Mais je ne plaisante pas le moins du monde. Vous m  avez parlé du dix-huitiéme siécle, vous m avez laissé entendre que vous étiez régence. Je n ai rien oublié. Le jour ou il me conviendra de cesser d étre ce que je suis, vous aurez beau faire, entendez vous, vous serez, sans même vous en douter...cocu comme d autres.
-" Oh! pouvez vous prononcer de pareils mots?
-"De pareils mots!...Mais vous avez ri comme un fou quand Mme de Gers a déclaré que Monsieur de Servy avait l air d un cocu à la recherche de ses cornes."
"-Ce qui peut paraitre drôle dans la bouche de Mme de Gers devient inconvenant dans la votre."
"-Pas du tout. Vous trouvez trés plaisant le mot cocu quand il s agit de Mr de Servy, et vous le jugez fort malsonnant quand il s agit de vous. Tout dépand du point de vue. D ailleurs je ne tiens pas à ce mot, je ne l ai prononcé que pour voire si vous êtes mûr."
   -"Mûr pour quoi?"
-" Mais pour l étre. Quand un homme se fâche en entendant dire cette parole, c est...qu il brûle. Dans deux mois vous rirez tout le premier si je parle d un ...coiffé. Alors...oui.. quand on l est, on ne le sent pas."
-" Vous étes ce soir, tout à fait mal élevée. Je ne vous ai jamais vue ainsi."
-"Ah voilà...j ai changé... en mal, c est votre faute."
-"Voyons, ma chére, parlons sérieusement. Je vous en prie, je vous supplie de ne pas autoriser , comme vous l avez fait ce soir, les poursuites inconvenantes de Monsieur Burel."
-"Vous étes jaloux, je le disais bien."
-"Mais non, non. Seulement je ne désire n être pas ridicule. Et je revois ce Monsieur vous parler dans.... les épaules, ou plûtot entre les seins....
"- Il cherchait un porte-voix"
-"Je ..Je lui tirerai les oreilles."
-"Seriez- vous amoureux de moi, par hasard?"
-"On le pourrait être de femmes moins jolies."
-"Tiens comme vous voilà! C est que je ne suis plus amoureuse de vous moi."
Le comte s est levé, il fait le tour de la petite table,et, passant deriére sa femme, lui dépose vivement un baiser sur la nuque. Elle se dresse d une secousse,et, en le regardant au fond des yeus:
-"Plus de ces plaisanteries là, entre nous, s il vous plait. Nous vivons séparés. C est fini."
-"Voyons ne vous fachez pas. Je vous trouve ravissante depuis quelques temps."
-"Alors...alors... c est que j ai gagné. Vous aussi...vous me trouvez... ¨mûre."
-"Je vous trouve ravissante, ma chére; vous avez des bras, un teint, des épaules..".
-"Qui plairaient à Mr Burel..."
-"Vous êtes féroce.Mais là...vrai...je ne connais pas de femmes plus séduisante que vous."
-"Vous êtes à  jêun."
-"Comment ça?"
-"Hein?"
-"Je dis, vous êtes à jeun"
-"Comment ça?"
-"Quand on est à jeun, on a faim, et quand on a faim, on se décide à manger des choses qu on aimerait point à un autre moment. Je suis le plat... négligé jadis que vous ne seriez pas fâché de vous mettre sous la dent....ce soir."
-"Oh! Marguerite qui vous a appris à parler comme ça?"
-"Vous, voyons: depuis votre rupture avec Mme de Sevry, vous avez eu, à ma connaissance, quatre maitresses, des cocottes celles là, des artistes, dans leur partie. Alors, comment voulez vous que j explique par un jeûne momentané vos véléités de ce soir."
-"Je serai franc et brutal, sans politesse. Je suis redevenu amoureux de vous. Pour de vrai, trés fort. Voilà.
-"Tiens, tiens , vous voudriez recommençer?"
-"Oui Madame."
"-Ce soir!"
-"Oh , Marguerite!"
-"Bon, vous voilà scandalisé. Mon cher, entendons nous. Nous ne sommes plus rien l un à l autre, n est ce pas? Je suis votre femme, c est vrai votre femme -libre-. J allais prendre un engagement d un autre coté, vous me demandez la préférence. A prix égal."
-" Je ne comprend pas."
-"Je m explique.Suis je aussi bien que vos cocottes? Soyez franc;
-"Mille fois mieux.
-"Mieux que la mieux?"
-"Mille fois"
-"Eh bien, combien vous a t elle couté, la mieux en trois mois?"
-"Je n y suis plus."
-"Je dis: combien vous a couté, en trois mois, la plus charmante de vos maitresse, en argent, bijoux, soupers, diner, théatre, ect.. entretien complet, enfin?"
-"Est ce que je sais, moi?"
-"Vous devez le savoir. Voyons, un prix moyen, modéré. Cinq mille francs par mois: est ce à peu prés juste?"
-"Oui, à peu prés;"
-"Eh bien mon ami, donnez moi tout de suite cinq mille francs et je suis à vous pour un mois, à compter de ce soir."
-"Vous étes folle;"
-"Vous le prenez ainsi bonsoir."


Si cette histoire vous a plu, je serais enchanté de vous conter la suite bientot aprés la fête du village. Ce matin, aprés un mois j ai de nouveau reçu mon computer.

Au bord du lit

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Carte avec des cheveux

Voici la fin de cette nouvelle de Guy de Maupassant , au titre évocateur: Au bord du lit. Pour les personnes dont les yeux sont un  soucis, elles peuvent écouter cette histoire dans le lien suivant:litteratureaudio.com  La plus part des textes que je recopie ont plus de 70 ans , ceci à cause des droits d auteur.

La comtesse sort, et entre dans sa chambre à coucher. Le lit est entre-ouvert. Une vague de parfum flotte, imprégne les tentures.
Le comte apparaissant à la porte:
-"Ca sent trés bon, ici ."
"-Vraiment?.... Ca n a pourtant pas changé. Je me sers toujours de peau d Espagne."
-"Tiens, c est étonnant....ça sent trés bon."
-"C est possible. Mais, vous, faites moi le plaisir de vous en aller parceque je vais me coucher."
-"Marguerite!"
-"Allez vous en!"



Carte brodée

Il entre tout à fait et s assied dans le fauteuil.
La comtesse:
-"Ah c est comme ça. Eh bien tant pis pour vous.
Elle ôte son corsage de bal lentement, dégageant ses bras nus et blancs. Elle les léve au dessus de sa téte pour se coiffer devant la glace; et sous une mousse de dentelle, quelque chose de rose apparait au bord du corset de soie noire.

Carte avec du tissu et brodée

Le comte se léve vivement et vient vers elle.
"-Ne m approchez pas, ou je me fâche!"
Il la saisi à pleins bras et cherche ses lévres.
Alors, elle, se penchant vivement, saisit sur sa toilette un verre d eau parfumée pour sa bouche,et, par dessus l épaule, le lance en plein visage de son mari.
Il se reléve ruisselant d eau, furieux, murmurant:
"-C est stupide."
-"Ca se peut....Mais vous savez mes conditions: Cinq mille francs."
-"Mais ce serait idiot!..."

Photo brodée

"-Pourquoi ça?"
-"Comment pourquoi? Un mari payer pour coucher avec sa femme!..."
-"Oh.... quels vilains mots vous employez!"
-"C est possible. Je répéte que ce serait idiot de payer sa femme, sa femme légitime"
-"Il est bien plus béte, quand on a une femme légitime , d aller payer des cocottes."
-"Soit, mais je ne veux pas être ridicule."

Carte brodée

La comtesse s est assise sur une chaise longue. Elle retire lentement ses bas en les retournant comme une peau de serpent. Sa jambe rose sort de la gaine de soie mauve, et le pied mignon se pose sur le tapis.
Le comte s approche un peu et d une voix tendre:
-"Quelle drole d idée vous avez là?"
-"Quelle idée?"
-"De me demander cinq mille francs."

Carte brodée

-"Rien de plus naturel. Nous sommes étrangers l un à l autre, n est ce pas? Or vous me désirez. Vous ne pouvez pas m épouser puisque nous sommes mariés. Alors vous m achetez, un peu moins peut étre qu une autre.
Or, réfléchissez. Cet argent, au lieu d aller chez une gueuse qui en fera je ne sais quoi, restera dans votre maison, dans votre ménage. Et puis, pour un homme intelligent, est il quelque chose de plus amusant, de plus original que de se payer sa propre femme. On n aime bien en amour illégitime, un prix nouveau, une saveur de débauche, un ragout de...polissonnerie en le ...tarifiant comme un amour coté. Est ce pas vrais?"

Carte avec des vrais cheveux


Elle s est levée presque nue et se dirige vers son cabinet de toilette.
-"Maintenant, Monsieur, allez vous en, ou je sonne la femme de chambre."
Le comte debout, perplexe, mécontent, la regarde, et , brusquement, lui jettant son porte-feuille à la téte:
-"Tiens gredine, en voilà six mille....Mais tu sais?....
La comtesse ramasse l argent, le compte, et d une voix lente:
-"Quoi?"
-"Ne t y accoutume pas."
Elle éclate de rire et allant vers lui:
-"Chaque mois, cinq mille , Monsieur, ou bien je vous renvoie à vos cocottes. Et même si...si vous étes content... je vous demanderai de l augmentation."



Une Vendetta(1)

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Mes chéres amies: J ai choisi un texte de Guy de Maupassant ( encore lui), il écrivait dans les journaux, une courte histoire chaque jour, et ses textes étaient très accessibles

°°°°°°°°
litteratureaudio.com c est le lien ou vous pouvez trouver des textes lus.


La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils une petite maison pauvre sur les remparts de Bonifacio. La ville, bâtie sur une avancée de la montagne, suspendue même par places au dessus de la mer, regarde par dessus le détroit hérissé d écueils, la côte plus basse de la Sardaigne. A ses pieds, de l autre coté, la contournant presque entièrement, une coupure de la falaise, qui ressemble à un gigantesque corridor, lui sert de port, amène jusqu aux premières maisons, après un long circuit entre deux murailles abruptes, les petits bateaux pêcheurs Italiens ou Sardes, et, chaque quinzaine, le vieux vapeur poussif qui fait le service d Ajaccio.

Un livre qui fit connaître ce pays aux jeunes
°°°°°°°°°
Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore. Elles ont l air de nids d oiseaux sauvages, accrochées ainsi sur ce roc, dominant ce passage terrible ou ne s aventures guère les navires. Le vent, sans repos fatigue la mer, fatigue la côte nue, rongée par lui à peine vêtu d herbe; il s engouffre dans le détroit, dont il ravage les deux bords. Les traînées d écume pale, accrochées aux pointes noires des innombrables rocs qui percent partout les vagues, ont l air de lambeaux de toile flottant et palpitant à la surface de l eau.
La maison de la veuve Sévérini, soudée au bord même de la falaise, ouvrait ses trois fenêtres sur cet horizon sauvage et désolé.
Elle vivait là seule, avec son fils Antoine et leur chienne"Sémaillante", grande bête maigre, aux poils longs et rudes, de la race des gardeurs de troupeaux. Elle servait au jeune homme pour chasser.

Une côte rocheuse
°°°°°°°°°°°
Un soir après une dispute, Antoine Savérini fut tué traîtreusement, d un coup de couteau, par Nicolas Ravolati, qui , la nuit même, gagna la Sardaigne.
Quand la vieille Mère reçu le corps de son enfant, que des passants lui rapportèrent, elle ne pleura pas, mais elle demeura longtemps immobile à le regarder; puis, étendant sa main ridée sur le cadavre, elle lui promit la vendetta. Elle ne voulu point qu on restât avec elle, et elle s enferma auprès du corps avec la chienne, qui hurlait. Elle hurlait cette pauvre bête, d une façon continue, debout au pied du lit, la tête tendue vers son maître, et la queue serrée entre les pattes. Elle ne bougeait pas plus que la Mère, qui , maintenant penchée sur le corps, l oeil fixe pleurait maintenant de grosses larmes muettes en le contemplant.
Le jeune homme, sur le dos, vêtu de sa veste de gros drap trouée et déchirée à la poitrine, semblait dormir; mais il avait du sang partout: sur la chemise arrachée par les premiers soins; sur son gilet, sur sa culotte, sur la face, sur les mains. Des caillot de sang s étaient figés dans la barbe et dans les cheveux.

Je ne suis pas sure que ce tableau ait été peint en Corse

°°°°°°°°°°
La vieille mère se mit à lui parler. Au bruit de cette voix, la chienne se tut.
"-Va, va, tu seras vengé, mon petit, mon garçon, mon pauvre enfant. Dors, dors, tu seras vengé, entends tu? C est la mère qui le promet! Et elle tient toujours sa parole, la Mère, tu le sais bien.
Et lentement, elle se pencha sur lui, collant les lèvres froides sur les lèvres mortes. Alors, Sémillante se remit à gémir. Elle poussait une longue plainte monotone, déchirante, horrible.
Elles restèrent là, toutes les deux, la femme et la bête jusqu au matin.
Antoine Savérini fut enterré le lendemain, et bientôt on ne parla plus de lui dans Bonifacio.

Une affiche pour faire rêver

°°°°°°°°°
Il n avait laissé ni frère, ni proches cousins. Aucun homme n était là pour poursuivre la vendetta. Seule, la mère y pensait, la vieille.
De l autre coté du détroit, elle voyait du matin au soir un point blanc sur la côte. C est un petit village Sarde, Longosardo, ou se réfugient les bandits corses traqués de trop prés. Ils peuplent presque seul ce hameau, en face des côtes de leur patrie, et ils attendent là  le moment de revenir au maquis. C est dans ce village, elle le savait, que s était réfugié Nicolas Ravolati.

Un village comme celui dont il est question dans le texte

°°°°°°°°°
Toute seule, tout le long du jour, assise sur sa fenêtre, elle regardait là bas en songeant à la vengeance. Comment ferait elle sans personne, infirme, si prés de la mort? Mais elle avait promis, elle avait juré sur le cadavre. Elle ne pouvait oublier, elle ne pouvait attendre. Que ferait elle? Elle ne dormait plus la nuit, elle n avait plus ni repos, ni apaisement, elle cherchait, obstinée. La chienne à ses pieds, sommeillait, et parfois, levant la tète, hurlait au loin. Depuis que son maître n était plus là, elle hurlait souvent ainsi, comme si elle l eut appelé, comme si son âme de bête, inconsolable, eut aussi gardé le souvenir que rien n efface.
Or, une nuit comme Sémillante se remettait à gémir, la mère, tout à coup, eut une idée de sauvage vindicatif et féroce. Elle médita jusqu au matin; puis levée dés les approches du jour, elle se rendit à l église. Elle pria prosternée sur le pavé, abattue devant Dieu, le suppliant de l aider, de la soutenir, de donner à son propre corps usé la force qu il lui fallait pour venger son fils.

Une vendetta(2)

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Attention aux attentes!
°°°°°°°°°°°°

Puis, elle entra. Elle avait dans sa cour un ancien baril défoncé, qui recueillait l eau des gouttières; Elle le renversa, le vida, l assujettit contre le sol avec des pieux et des pierres; Puis elle enchaîna  Sémillante à cette niche, et elle rentra.
Elle marchait maintenant, sans repos, dans sa chambre, l oeil fixé sur la côte de Sardaigne. Il était là bàs l assassin.

Une maniére de placer ses sous
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La chienne, tout le jour et toute la nuit, hurla. La vieille, au matin, lui porta de l eau dans une jatte; mais rein de plus: pas de soupe, pas de pain.
La journée encore s écoula. Sémillante exténuée, dormait. Le lendemain, elle avait les yeux luisants, le poil hérissé, et tirait éperdument sur sa chaine.
La vieille ne lui donna encore rien à manger. La bête, devenue furieuse, aboyait d une voix rauque. La nuit encore passa.


On se croirait à Venise!
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Alors, au jour levé, la mère Saverini alla chez le voisin, prier,  qu on lui donne deux bottes de paille. Elle prit de vieilles hardes qu avait portée autrefois son mari, et les bourra de fourrage, pour simuler un corps humain.
Ayant piqué un bâton dans le sol, devant la niche de Sémillante, elle noua dessus ce mannequin, qui semblait ainsi tenir debout. Puis elle figura la tête au moyen d un paquet de vieux linge.

C est là qu habitait Léticia Bonaparte
°°°°°°°°

La chienne, surprise, regardait cet homme de paille, et se taisait, bien que dévorée de faim.
Alors la vieille alla acheter chez le charcutier un long morceau de boudin noir. Rentrée chez elle, elle alluma un feu de bois dans sa cour, auprès de la niche, et fit griller son boudin. Sémillante, affolée, bondissait, écumait, les yeux fixés sur le gril, dont le fumet lui entrait au ventre.

Site préhistorique datant du néolithique
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            Puis, la mère fit de cette bouillie fumante une cravate à l homme de paille; Elle la lui ficela longtemps autour du cou, comme pour la lui entrer dedans. Quand ce fut fini, elle déchaîna la chienne. D un saut formidable, la bête atteignit la gorge du mannequin, et, les pattes sur les épaules, se mit à le déchirer. Elle retombait, un morceau de proie dans sa gueule, puis s élançait de nouveau, enfonçait ses crocs dans les cordes, arrachait quelques parcelles de nourriture, retombait encore, et rebondissait acharnée. Elle enlevait le visage par grands coups de dents, mettait en lambeaux le col entier.



Un nom bien sinistre
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La vieille, immobile et muette, regardait, l oeil allumé. Puis, elle renchaîna la bête, la fit encore jeûner deux jours et recommença cet étrange exercice.
Pendant trois mois, elle l habitua à cette sorte de lutte, à ce repas conquis à coups de crocs. Elle ne l enchaînait plus maintenant, mais elle la lançait d un geste sur le mannequin.



Toujours aussi individualiste
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Elle lui avait appris à le déchirer, à le dévorer, sans qu aucune nourriture fût cachée dans sa gorge. Elle lui donnait ensuite, comme récompense, le boudin grillé pour elle.
Dés qu elle apercevait l homme, Sémillante frémissait, puis tournait les yeux vers sa maîtresse, qui lui criait: "Va" d une voix sifflante en levant le doigt.

La spécialité du coin
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Quand elle jugea le temps venu, la mère saverini alla se confesser et communia un dimanche matin, avec une ferveur extatique; puis , ayant revêtu des habits de mâle, semblable à un vieux pauvre déguenillé, elle fit marché avec un pêcheur Sarde, qui la conduisit, accompagnée de sa chienne, de l autre coté du détroit.
Elle avait dans un sac de toile, un grand morceau de boudin. Sémillante jeûnait depuis deux jours. La vieille femme, à tout moment, lui faisait sentir la nourriture odorante, et l excitait.

J ai trouvé ce tableau magnifique
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Elles entrèrent dans Longosardo. La Corse allait en boitillant. Elle se présenta chez un boulanger et demanda la demeure de Nicolas Ravolati. Il avait repris son ancien métier, celui de menuisier. Il travaillait seul au fond de sa boutique.
La vieille poussa la porte et l appela:
-"Hé! Nicolas!
Il se tourna; alors, lâchant sa chienne, elle cria:
-Va, va, dévore, dévore!

Allez y en train!
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L animal, affolé, s élança, saisit la gorge. L homme étendit les bras, l étreignit, roula par terre. Pendant quelques secondes, il se tordit, battant le sol de ses pieds; Puis il demeura immobile, pendant que Sémillante lui fouillait le cou, qu elle arrachait par lambeaux.
Deux voisins, assis sur leur porte, se rappelèrent parfaitement avoir vu sortir un vieux pauvre avec un chien noir efflanqué qui mangeait, tout en marchant, quelque chose de brun que lui donnait son maître.
La vieille, le soir, était rentrée chez elle. Elle dormit bien cette nuit là.
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Mes chéres amies aprés cette histoire sinistre écrite par Guy de Maupassant, si le coeur vous en dit vous pouvez consulter:
litteratureaudio.com/ et trouver des centaines d enregistrement.


Bricolages

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Voici quelques photos des tournesols(jusqu à 4m de haut) et de  glaïeuls d une couleur agréable

 Delfy a modelé une fontaine pour les chats. Elle a réalisé les vasques avec de la terre blanche, ensuite glasé et fait recuire encore une fois à 1100°. Je me suis contenté d y instaler une pompe avec un tuyau en laiton.

Et cela fonctionne

Quelques planches de pin achetées en Allemagne

Et j ai construis une étagére pour que Delfy puisse y ranger tout son fourbis

Voilà une heure plus tard, il n y a plus rien à louer...
Ici une statue de jardin constituée d éléments potés par ses soins et enfilés dans une tige en acier

La chambre

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Madame Amadon, une belle bourgeoise
Ici je vous conte une histoire trouvée dans un livre de poche "Toine" de Guy de Maupassant.
litteratureaudio.com/ Cest le lien ou il est possible d écouter une foule de livres

-"Comment! vous ne savez pas pourquoi on a déplacé Mr le Président Amadon!"
-"Non, pas du tout"
-"Lui non plus d ailleurs, ne l a jamais su. Mais c est une histoire des plus bizarres."
-"Contez- la moi."
-"Vous vous rappelez bien Mme Amandon, cette jolie brune maigre, si distinguée et fine que l on appelait Mme Marguerite dans tout Perthuis le long."
-"Oui parfaitement".
-"Eh bien écoutez. Vous vous rappelez aussi comme elle était respectée, considérée, aimée mieux que personne dans la ville; Elle savait recevoir, organiser une fête ou une oeuvre de bienfaisance, trouver de l argent pour les pauvres et distraire les jeunes gens par mille moyens."
-"Elle était fort élégante et fort coquette,cependant, d une coquetterie platonique et d une élégance charmante de province, car c était une provinciale cette petite femme là, une provinciale exquise.
Messieurs les écrivains qui sont tous parisiens nous chantent la parisienne sur tous les tons, parce ils ne connaissent qu elle, mais moi, je déclare, moi, que la provinciale vaut cents fois plus, quand elle est de qualité supérieure."
-"La provinciale fine a une allure toute particulière, plus discrète que celle de la parisienne, plus humble, qui ne promet rien et donne beaucoup, tandis que la parisienne, la plus part du temps, promet beaucoup et ne donne rien au déshabillé."

Elle recrutait ses amants dans un bal qu elle organisait. Ses préférences allaient vers les militaires.


-"La parisienne c est le triomphe élégant et effronté du faux. La provinciale, c est la modestie de vrai.
Une petite provinciale délurée , avec son air de bourgeoisie alerte, sa candeur trompeuse de pensionnaire, son sourire qui ne dit rien, et ses bonnes petites passions adroites, mais tenaces, doit montrer mille fois plus de ruse, de souplesse, d invention féminine que toutes les parisiennes réunies, pour arriver à satisfaire ses goûts, ou ses vices, sans éveiller aucun soupçon, aucun potin, aucun scandale dans la petite ville qui la regarde avec tous ses yeux et toutes ses fenêtres. "
Madame Amandon était un type de cette race rare, mais charmante. On ne l avait suspectée, jamais on aurait pensé que sa vie n était pas limpide comme son regard, un regard marron, transparent et chaud, mais si honnête- vas y voire!
-"Donc, elle avait un truc admirable, d une invention géniale, d une ingéniosité merveilleuse et d une incroyable simplicité.
Elle cueillait tous ses amants dans l armée, et les gardait trois ans, le temps de leur séjour dans la garnison.-Voilà- elle n avait pas d amour, elle avait des sens.
-"Dés qu un nouveau régiment arrivait à Perthuis le Long, elle prenait des renseignements sur tous les officiers entre trente et quarante ans- car avant trente ans, on n est pas encore discret. Après quarante, on faiblit souvent.

Ici dans sa maison, pensive, élaborant des plans pour satisfaire ses passions


-"Oh, elle connaissait les cadres aussi bien que le colonel. Elle savait tout, tout, les habitudes intimes, l instruction, l éducation,les qualités physiques, la résistance à la fatigue, le caractère patient ou violent, la fortune, la tendance à l épargne ou à la prodigalité. Puis elle faisait son choix. Elle prenait de préférence les hommes d allure calme, comme elle, mais elle les voulait beaux. Elle voulait aussi qu ils n eussent aucune liaison connue, aucune passion ayant pu laisser des traces ou ayant fait quelques bruits. Car un homme dont on cite les amours n est jamais un homme bien discret.
"Après avoir distingué celui qui l aimerait pendant trois ans de séjour réglementaire, il lui restait à jeter le mouchoir.
"Que de femmes se seraient trouvées embarrassées, auraient pris les moyens ordinaires, les voies suivies par toutes, se seraient fait faire la cour en suivant toutes les étapes de la conquête et de la résistance, en laissant un jour baiser les doigts, le lendemain, le poignet, le jour suivant la joue, puis la bouche , et puis le reste.
-"Elle avait une méthode plus prompte, plus discrète et plus sure. Elle donnait un bal.
L officier choisi invitait la maîtresse de maison. Or, en valsant, entraînée par le mouvement rapide, étourdie par l ivresse de la danse, elle se serrait contre lui comme pour se donner, en lui étreignant la main d une pression nerveuse et continue. S il ne comprenait pas, ce n était qu un sot, et elle passait au suivant, chassé au numéro deux dans les cartons de son désir.
S il comprenait, c était chose faite, sans tapage, sans galanteries compromettantes, sans visites nombreuses.

L hotel du Cheval d or ou elle organisait ses rendez vous.


-"Quoi de plus simple et de plus pratique?Comme les femmes devraient user d un procédé semblable pour nous faire comprendre que nous leur plaisons! Combien cela supprimerait de difficultés, d hésitations, de paroles, de mouvements, d inquiétudes, de troubles, de malentendus. Combien souvent nous passons à coté du bonheur possible, sans nous en douter, car qui peut pénétrer le mystère des pensées, les abandons secrets de la volonté, les appels muets de la chair, tout l inconnu de l âme d une femme, dont la bouche reste silencieuse, l oeil impénétrable et clair.
Dés qu il avait compris, il lui demandait un rendez vous. Elle le faisait toujours attendre un mois ou six semaines, pour l épier, le connaître et se garder s il avait quelques défauts dangereux.
Pendant ce temps, il se creusait la tète pour savoir ou ils pourraient se rencontrer sans péril, il imaginait des combinaisons difficiles et peu sures.
-"Puis dans quelques fêtes officielles, elle lui disait tout bas:
-"Allez Mardi soir à l hôtel du Cheval d or prés des remparts, route de Vouziers, et demandez Mademoiselle Clarisse. Je vous attendrai;Surtout soyez en civil.

Elle choisissait ses amants dans les militaires


Depuis huit ans en effet, elle avait une chambre meublée à l année dans cette auberge inconnue. C était une idée de son premier amant qu elle avait trouvée pratique, et l homme parti, elle garda le nid.
-"Oh, un nid médiocre, quatre murs tapissés de papier gris clair à fleurs bleues, un lit de sapin, sous des rideaux de mousseline, un fauteuil acheté par les soins de l aubergiste, sur son ordre, deux chaises, une descende de lit, et les quelques vases nécessaires pour la toilette. Que fallait il de plus?
Sur le murs, trois grandes photographies. Trois colonels à cheval; Les colonels de ses amants! pourquoi? Ne pouvant garder l image mêmes, le souvenir direct, elle avait peut être voulu  conserver des souvenirs par ricochets.
-"Elle n avait jamais été reconnue par personne dans toutes ses visites au Cheval d or, direz vous?
"-Jamais par personne!
-"Le nouvel employé par elle était admirable et simple. Elle avait imaginé et organisé des séries de réunions de bienfaisance et de piété, auxquelles elle allait souvent et auxquelles elle manquait parfois. Le mari, connaissant ses oeuvres pieuses qui lui coûtaient fort cher, vivait sans soupçons.
-"Donc, une fois le rendez vous convenu, elle disait en dînant devant ses domestiques:
-"Je vais ce soir à l association des ceintures de flanelle pour les vieillards paralytiques.


Elle les choisissait instruits, pas trop jeunes pas trop vieux avec de la résistance.


-"Elle sortait vers huit heures, entrait à l association, en ressortait aussitôt, passait par diverses rues, et, se retrouvant seule dans quelques ruelles, dans quelques coins sombres et sans quinquet, elle enlevait son chapeau, le remplaçait par un bonnet de bonne apporté dans son mantelet, dépliait un tablier blanc dissimulé de la même façon, le nouait autour de sa taille, et pourtant dans une serviette son chapeau de ville, et le vêtement qui tout à l heure lui couvrait les épaules, elle s en allait trottinant, hardie, les hanches découvertes, petite bobonne qui était en commission; et quelquefois même, elle courait comme si elle eut été fort pressée.
Qui donc aurait reconnu dans cette servante mince et vive Madame la première présidente Amadon?
-"Elle arrivait au Cheval d or, montait déjà à sa chambre dont elle avait déjà la clef; et le gros patron, maître Trouveau, la voyant passer de son comptoir murmurait:
-"Vlà mam'zelle Clarisse qui va à ses amours."
Il avait bien deviné quelque chose , le gros malin, mais il ne cherchait pas à en savoir davantage, et certes il eut été bien surpris en apprenant que sa cliente était Madame Amandon, Madame Marguerite comme on disait dans Perthuis le long.
Or voici comment l horrible découverte eut lieu.


La chambre (fin)

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Picasso en début de carrière


"Jamais Melle Clarisse ne venait à ses rendez vous deux soirs de suite, jamais, étant trop fine et prudente pour cela. Et Maître Trouveau le savait bien, puisque pas une fois, depuis huit ans, il l avait vue arriver le lendemain d une visite. Souvent même, dans les jours de presse, il avait disposé de la chambre pour une nuit.
"Or pendant l été dernier, Monsieur le Premier Amandon s absenta pendant une semaine. On était en Juillet; Madame avait ses ardeurs, et comme on ne pouvait pas craindre d être surpris, elle demanda à son amant, le beau commandant de Varangelles, un mardi soir, en le quittant, s il voulait la revoir le lendemain, il répondit:
"-Comment donc!"
-"Et il fut convenu qu ils se retrouveraient à l heure ordinaire le Mercredi. Elle dit tout bas:

Joseph Kienzel (1852-1925) Il étudia à Vienne.


-"Si tu arrives le premier, mon chéri, tu te coucheras pour m attendre."
-"Ils s embrassèrent puis se séparèrent.
-"Or, le lendemain, vers dix heures, comme Maître Trouveau lisait les tablettes de Perthuis, un organe républicain de la ville, il cria, de loin, à sa femme qui plumait une volaille dans la cour:
-"Voila le choléra dans le pays. Il est mort un homme hier à Vauvigny."
-"Puis, il n y pensa plus, son auberge étant pleine de monde, et les affaires allant fort bien.
Vers midi, un voyageur se présenta, à pied, une espèce de touriste, qui se fit servir un bon déjeuner, après avoir bu deux absinthes. Et comme il faisait fort chaud, il absorba un litre de vin, et deux litres d eau au moins.

Il but deux absinthes et un litre de vin.


"Il prit ensuite son café, son petit verre, ou plutôt trois petits verres. Puis se sentant un peu lourd il demanda une chambre pour dormir une heure ou deux. Il n y en avait plus une seule   de libre, et le patron ayant consulté sa femme, lui donna celle de Mlle Clarisse.
-"L homme y entra, puis vers cinq heures, comme on ne l avait pas vu ressortir, le patron alla le réveiller.
"-Quel étonnement, il était mort!
"L aubergiste redescendit trouver sa femme:
-"Dis donc, l artiste que j avais mis dans la chambre onze, je crois bien qu il est mort."
-"Elle leva les bras.
"- Pas possible! Seigneur Dieu! C est -il le choléra?"
"-Maitre Trouveau secoua la tète:
-"Je croirais plutôt une "contagion" cérébrale, vu qu il est noir comme la lie de vin?"

Les chasseurs et les pécheurs sont les plus grands menteurs


Mais la bourgeoise effarée répétait:
"-Faut pas le dire, faut pas le dire, on croirait au choléra. Va faire tes déclarations et ne parle pas. On l emportera t' a la nuit, pour ne point être vus. Et ni vu ni connu, je t embrouille.
"L homme murmura:
"-Mlle Clarisse est v'nue hier,la chambre est libre ce soir."
-"Et il alla chercher la médecin qui constata le décès, par congestion après un repas copieux. Puis il fut convenu avec le commissaire de police, qu on enlèverait le cadavre vers minuit, afin qu on ne soupçonnât rien dans l hôtel.

"Il était neuf heures à peine, quand Mme Amadon pénétra furtivement dans l escalier du Cheval d Or, sans être vue de personne, ce jour là. elle gagna sa chambre, ouvrit la porte, entra. Une bougie brûlait sur la cheminée. Elle se tourna vers le lit. Le commandant était couché, mais il avait fermé les rideaux.
"Elle prononça:
"Une espéce de touriste"

-"Une minute, mon chéri, j arrive."
Et elle se dévêtit avec une brusquerie fiévreuse, jetant ses bottines par terre et son corset sur la fauteuil. Puis, sa robe noire et ses jupes dénouées étant tombées en cercle autour d elle, elle se dressa en chemise de soie rouge, ainsi qu une fleur qui vient d éclore.
"-Comme le commandant n avait point dit mot, elle demanda:
-"Dors tu mon gros?
-"Il ne répondit pas, et elle se mit à rire en murmurant:
-"Tiens, il dort, c est pas drôle!"
Elle avait gardé ses bas de soie noire à jour, et courant au lit, elle se glissa dedans avec rapidité, en saisissant à pleins bras et en baisant à pleine lèvres,  pour le réveiller brusquement, le cadavre glacé du voyageur!


Les affaires importantes se discutent autour d un bon verre.


"-Pendant une seconde,elle demeura immobile, trop effarée pour  rien comprendre. Mais le froid de cette chair inerte fit pénétrer dans la sienne une épouvante atroce et irraisonnée avant que son esprit eut pu commencer à réfléchir.
Elle avait fait un bon hors du lit, frémissant de la tète aux pieds; puis, courant à la cheminée, elle saisit la bougie, revint et regarda! Et elle aperçu un visage affreux qu elle ne connaissait point, noir, enflé, les yeux clos avec une grimace horrible de la mâchoire.
"Elle poussa un cri, un de ces cris aigus et interminables que jettent les femmes dans leur affolement, et, laissant tomber sa bougie, elle ouvrit la porte, s enfuie nue, par le couloir en continuant à hurler d une façon épouvantable.
"Un commis voyageur en chaussette, qui occupait la chambre n°4, sortit aussitôt et la reçu dans les bras.
"Il demanda effaré:
"-Qu est ce qu il y a , belle enfant?"
"Elle balbutia éperdue:
-"On...on...on...a tué quelqu un ....dans...dans ma chambre"

A l auberge, les informations s échangent

"D autres voyageurs apparaissaient. Le patron lui même accourut.
"Et tout à coup, le commandant montra sa haute taille au bout du corridor.
"Dés qu elle l aperçu, elle se jeta vers lui en criant:
-"Sauvez moi, Gontran.... On a tué quelqu un dans notre chambre..."
"Les explications furent difficiles. M. Trouveau, cependant raconta la vérité et demanda que l on relâcha immédiatement Mlle Clarisse, dont il répondait sur sa tète. Mais le commis voyageur en chaussettes, ayant examiné le cadavre, affirma qu il y avait crime, et il décida les autres voyageurs à empêcher que l on laissât partir Mlle Clarisse et son amant.
"Ils durent attendre l arrivée du commissaire de police, qui leur rendit la liberté, mais qui ne fut pas discret.
"Le mois suivant, M. le Premier Amandon recevait un avancement avec une nouvelle résidence.

"Il prit ensuite son café , son petit verre, ou plutot trois petits verres;"

La confession(1)

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"Il faut détruire cela"


Tout Véziers-le Rethel avait assisté au convoi et enterrement de Monsieur Badon Leremince, et les derniers mots du discours du délégué de la Préfecture demeuraient dans toutes les mémoires:
-"C est un honnête homme de moins!"
Honnête homme il l avait été dans tous les actes appréciables de sa vie, dans ses paroles, dans son exemple, dans son attitude, dans sa tenue, dans ses démarches, dans la coupe de sa barbe et la forme de ses chapeaux. Il n avait jamais dit un mot qui ne contint un exemple, jamais une aumône sans l accompagner d un conseil, jamais tendu la main sans avoir l air de donner une espèce de bénédiction.
Il laissait deux enfants: un fils et une fille ayant épousé un notaire, Mr Poirel de la Voulte, tenait le haut du pavé dans Véziers.
Ils étaient inconsolable de la mort de leur père car ils l aimaient sincèrement.
Aussitôt la cérémonie terminée, ils rentrèrent à la maison du mort, et s étant enfermés tous trois, le fils, la fille et le gendre, ils ouvrirent le testament qui devait être décacheté par eux seuls., et seulement après que le cercueil aurait été mis en terre. Une annotation sur l enveloppe indiquait cette volonté.
Ce fut M. Poirel de la Voulte qui déchira la papier, en sa qualité de notaire habitué à ces opérations, et, ayant ajusté ses lunettes sur ses yeux, il lut, de sa voix terne, faite pour détailler les contrats:

Mes enfants, mes chers enfants, je ne pourrais dormir tranquille de l éternel sommeil si je ne vous faisais pas de l autre coté de la tombe, une confession, la confession d un crime dont le remord a déchiré ma vie. Oui, j ai commis un crime, un crime affreux, abominable.
J avais alors vingts six ans et je débutais dans le barreau à Paris, vivant de la vie des jeunes gens de province échoués sans connaissances, sans amis, sans parents, dans cette ville.

Une peinture de Mary Cassat


Je pris une maîtresse. Que de gens s indignent à ce seul mot "Une maîtresse", et pourtant il est des êtres qui ne peuvent vivre seuls. Je suis de ceux-là. La solitude m emplit d une angoisse horrible, la solitude dans le logis, auprès du feu, le soir.Il me semble alors que je suis seul sur la terre, affreusement seul, mais entouré de dangers vagues, de choses inconnues et terribles; et la cloison qui me sépare de mon voisin, que je ne connais pas, m éloigne de lui autant que des étoiles aperçues par ma fenêtre. Une sorte de fièvre m envahit, une fièvre d impatience et de crainte; et le silence des murs m épouvante. Il est si profond et si triste ce silence de la chambre ou l ont vit seul! Ce n est pas seulement un silence autour de l âme , et , quand un meuble craque on tressaille, jusqu au coeur , car aucun bruit n est attendu dans ce morne logis.
Combien de fois énervé, apeuré par cette immobilité muette, je me suis mis à parler, à prononcer des mots, sans suite, sans raison, pour faire du bruit. Ma voix, me paraissais alors si étrange que j en avais peur aussi. Est il quelque chose de plus affreux que de parler seul dans une maison vide? La voix semble celle d un autre, une voix inconnue, parlant sans cause, à personne dans l air creux, sans aucune oreille pour l écouter, car on sait, avant qu elles s échappent  dans la solitude de l appartement, les paroles vont sortir de la bouche. Et quand elles résonnent lugubrement dans le silence, elles n ont plus l air que d un écho, l écho singulier des mots prononcés tout bas par la pensée.
Je pris une maîtresse, une jeune fille comme toutes les jeunes filles qui vivent dans Paris d un métier insuffisant à les nourrir. Elle était douce, bonne, simple; ses parents habitaient Poissy. Elle allait quelques jours chez eux de temps en temps.
Pendant un an je vécus assez tranquille avec elle, bien décidé à la quitter lorsque je trouverais une jeune personne qui me plairait assez pour l épouser. Je laisserais à l autre une petite rente, puisqu il est admis, dans notre société, que l amour d une femme doit être payé, par de l argent quand elle est pauvre, par des cadeaux quand elle est riche.

Berthe Morizot

Mais, voilà, un jour, elle m annonça qu elle était enceinte. Je fus atterré et j aperçu en une seconde tout le désastre de mon existence. La chaîne m apparut, que je traînerai jusqu à ma mort, partout dans ma future famille, dans ma vieillesse, toujours: chaîne de la femme liée à ma vie par l enfant, chaîne de l enfant qu il faudra élever, surveiller, protéger, tout en me cachant de lui et en le cachant du monde. J eus l esprit bouleversé par cette nouvelle; un désir confus, que je ne formulais point, mais que je sentais en mon coeur, prés à se montrer, comme des gens cachés derrière des portières pour attendre qu on leur dise de paraître, un désir criminel  roda au fond de ma pensée:-"Si un accident pouvait arriver? Il est tant de ces petits êtres, qui meurent avant de naître!
Oh! je ne désirerai point la mort de ma maîtresse. La pauvre fille je l aimais bien!Mais je souhaitais, peut être, la mort de l autre avant de l avoir vu.
Il naquit. J eus un ménage dans mon petit logis de garçon, un faux ménage avec enfant, chose horrible. Il ressemblait à tous les enfants. Je ne l aimais guère. Les pères voyez vous, n aiment que plus tard. Ils n ont point la tendresse instinctive et emportée des mères; il faut que leur affection  s éveille peu à peu, que leur esprit s attache par les liens qui se nouent chaque jour entre les êtres vivant ensemble.
Un an  s écoula : je fuyais maintenant ma demeure trop petite, ou traînaient des linges, des langes, des bas grands comme des gants, mille chose de toute espèce, laissées sur un meuble, sur le bras d un fauteuil, partout. Je fuyais surtout pour ne point l entendre crier, lui; car il criait à tout propos, quand on le changeait, quand on le lavait,quand on le touchait- quand on le couchait, quand on le levait, sans cesse.
 J avais fais quelques connaissances et je rencontrais dans un salon celle qui devait être votre mère. J en devins amoureux et le désir de l épouser s éveilla en moi. Je lui fis la cour; je la demandai en mariage; on me l accorda.

J eus un ménage dans mon logis de garçon


Et je me trouvais pris dans ce piège.-épouser, ayant un enfant, cette jeune fille que j adorais- ou bien dire la vérité et renoncer à elle, au bonheur, à l avenir, à tout, car ses parents, gens rigides et scrupuleux, ne me l auraient point donné s ils avaient su.
Je passais un mois horrible d angoisse, de tortures morales; un mois ou mille pensées affreuses me hantèrent; et je sentais grandir en moi une haine contre mon fils, contre ce petit morceau de chair vivante et criante qui barrait ma route, coupait ma vie, me condamnait à une existence sans attente, sans tous ces espoirs vagues qui font charmante la jeunesse.
Mais voilà que la mère de ma compagne tomba malade, et je restais seul avec l enfant.
Nous étions en décembre. Il faisait un froid terrible. Quelle nuit! Ma maîtresse venait de partir. J avais dîné seul dans mon étroite salle et j entrai doucement dans la chambre ou le petit dormait.
Je m assis dans un fauteuil devant le feu. Le vent soufflait, faisait craquer les vitres, un vent sec de gelée, et je voyais à travers de la fenêtre, briller les étoiles de cette lumière aiguë qu elles ont par les nuits glacées.
Alors l obsession qui me hantait depuis un mois pénétra de nouveau dans ma tète. Dés que je demeurais immobile , elle descendait sur moi, entrait en moi et me rongeait. Elle me rongeait comme rongent les idées fixes, comme les cancers doivent ronger les chairs. Elle était là dans ma tète, dans mon coeur, dans mon corps entier me semblait il; et elle me dévorait ainsi qu aurait fait une bête. Je voulais la chasser, la repousser, ouvrir ma pensée à d autres choses, à des espérances nouvelles, comme on ouvre une fenêtre au vent frais du matin pour chasser l air vicié de la nuit; mais je ne pouvais, même une seconde, la faire sortir de mon cerveau. Je ne sais comment exprimer cette torture. Elle me grignotait l âme; et je sentais avec une douleur affreuse, une vraie douleur physique et morale, chacun de ses coups de dents.
Mon existence était finie! Comment sortirais je de cette situation, comment reculer, et comment avouer?
Et j aimais celle qui devait devenir votre mère d une passion folle, que l insurmontable obstacle exaspérait encore.
Une colère terrible grandissait, qui me serait la gorge, une colère qui touchait à la folie.... à la folie! Certes, j étais fou ce soir là.

Voilà mes chéres amies il s agit d un texte de Guy de Maupassant transcrit d un livre de poche, je vous raconterai la suite bientot.

La confession (fin)

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L enfant dormait. Je me levai et le regardai dormir. C était lui cet avorton, cette larve, ce rien qui me condamnait à un malheur sans appel.
Il dormait, la bouche ouverte, enseveli sous les couvertures, dans un berceau prés de mon lit, ou je ne pourrais pas dormir, moi!
Comment ais je accompli ce que j ai fais? Le sais je? Quelle force m a poussé, quelle puissance malfaisante m a possédé? Oh ! La tentation du crime m est venue sans que je l aie senti s annoncer. Je me rappelle seulement que mon coeur battait affreusement. Il battait si fort que je l entendais comme on entend des coups de marteaux derrière les cloisons. Je me rappelle que cela! Mon coeur battait! Dans ma tète, c était une étrange confusion, un tumulte, une déroute de toute raison, de tout sang-froid. J étais dans une de ces rares heures d effarement et d hallucination ou l homme n a plus la conscience de ses actes ni de la direction de sa volonté.
Je soulevais doucement les couvertures qui cachaient le corps de mon enfant; Je les rejetai sur les pieds du berceau, et je le vis tout nu. IL ne se réveilla pas. Alors, je m en allais vers la fenêtre, tout doucement, et je l ouvris.



Un souffle d air glacé entra ainsi qu un assassin, si froid que je reculai devant lui; et les deux bougies palpitèrent. Et je restais debout prés de la fenêtre, n osant pas me retourner, comme pour ne pas voire ce qui se passait derrière, moi, et sentant sans cesse glisser sur mon front, sur mes joues, mes mains l air mortel qui entrait toujours. Cela dura longtemps.
Je ne pensais pas, je ne réfléchissais à rien. Tout à coup, une petite toux me fit passer un épouvantable frisson des pieds à la tète, un frisson que j ai encore en ce moment, dans la racine des cheveux. Et d un moment affolé je fermais brusquement les deux battants de la fenêtre, puis m étant retourné, je courus au berceau.
Il dormait toujours, la bouche ouverte, tout nu. Je touchais ses jambes; elles étaient glacées et je les recouvris.
Mon coeur soudain s attendrit, se brisa, s emplit de pitié,de tendresse, d amour pour ce pauvre être innocent que j avais voulu tuer. Je le baisai longtemps sur ses fins cheveux: puis je vins m asseoir devant le feu.
Je songeais avec stupeur, avec horreur à ce que j avais fait, me demandant d ou viennent ces tempêtes de l âme ou l homme ^perd toute notion des choses, toute autorité sur lui même, et agit dans une sorte d ivresse affolée, sans savoir ce qu il fait, sans savoir ou il va, comme un bateau dans un ouragan.



L enfant toussa encore une fois, et je me sentis déchiré jusqu au coeur. S il allait nourrir! Mon Dieu! Mon Dieu! Que deviendrais je, moi?
Je me levais pour aller le regarder; et, une bougie à la main, je me penchai sur lui. Le voyant respirer avec tranquillité, je me rassurais, quand il toussa pour la troisième fois; et je ressentis une telle secousse, je fis un tel mouvement en arrière, comme lorsqu on est bouleversé par la vue d une chose affreuse, que je laissais tomber ma bougie.
En me redressant après l avoir ramassée, je m aperçu que j avais les tempes mouillées de sueur, de cette sueur chaude et gelée en même temps que produisent les angoisses de l âme, comme si quelque chose de l affreuse souffrance morale de cette innommable qui est bien  en effet, brûlante comme le feu et froide comme la glace, transpirait à travers les os et la surface du crane.
Et je restai  jusqu au jour penché sur mon fils, me calmant lorsqu il demeurait longtemps tranquille, et traversé par des douleurs abominables lorsqu une faible toux sortait de sa bouche.



Il s éveilla avec des yeux rouges, la gorge embarrassée, l air souffrant.
Quand ma femme de ménage entra, j envoyais bien vite chercher un médecin. Il vint au bout d une heure, et prononça après avoir examiné l enfant:
-"N a t il pas eut froid?"
Je me mis à trembler comme tremblent les gens très vieux, et je balbutiai:
-"Non , je ne crois pas."
Puis je demandai:
"Qu est ce que c est? Est ce grave?"
Il me répondit:
"-Je n en sais rien encore. Je reviendrai ce soir."
Il revint le soir. Mon fils avait passé presque toute la journée dans un assoupissement invincible, toussant de temps à autre.
Une fluxion de poitrine se déclara dans la nuit.
Et cela dura dix jours; Je ne puis exprimer ce que j ai souffert durant ces interminables heures qui séparent le matin du soir et le soir du matin.
Il mourut........................................
Et depuis.... depuis ce moment, je n ai point passé une heure, non, pas une heure, sans que le souvenir atroce, cuisant, ce souvenir qui ronge, qui semble tordre l esprit en le déchirant, ne remuât en moi comme une bête mordante enfermée au fond de mon âme.
Oh! si j avais pu devenir fou!.....

 

Mr Poirel de la Voulte releva ses lunettes d un mouvement qui lui était familier quand il avait achevé la lecture d un contrat; et les trois héritiers du mort se regardèrent, sans dire un mot, pales, immobiles.
Au bout d une minute, le notaire reprit:
-"Il faut détruire cela."
Les deux autres baissèrent la tête en signe d assentiment. Il alluma une bougie, sépara soigneusement les pages qui contenaient les dispositions d argent, puis les présenta sur la flamme et les jeta dans la cheminée.
Et ils regardèrent les feuilles blanches se consumer; Elles ne formèrent bientôt plus qu une sortes de petits tas noirs. Et comme on apercevait encore quelques lettres qui se dessinaient en blanc, la fille, du bout de son pied, écrasa à petits coups la légère croûte de papier flambé, la mêlant aux cendres anciennes.
Puis, ils testèrent encore tous les trois quelque temps à regarder cela, comme s ils eussent craint que le secret brûlé ne s envolât de la cheminée.

L heure de vérité devant le notaire

Le Jêune

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Millet

Quand le vicaire monta en chaire, avec son large surplis d une blancheur angélique, la baronne était béatement assise à sa place accoutumée, prés d une bouche de chaleur, devant la chapelle de Saint Anges.
Après le recueillement d usage, le vicaire se passa délicatement sur les lèvres un fin mouchoir de batiste; puis il ouvrit les bras, pareil à un séraphin qui va prendre son vol, pencha la tête et parla. Sa voix fut d abord dans la vaste nef, comme un murmure lointain d eau courante, comme une plainte amoureuse du vent au milieu du feuillage. Et, peu à peu, le souffle grandit, la brise devint tempête, la voix roula sous les voûtes avec de majestueux grondements de tonnerre. Mais toujours par instants, même au milieu de ces formidables coup de foudre, la voix du vicaire se faisait douce, jetant un clair rayon de soleil au milieu du sombre ouragan de son éloquence.
La petite baronne, dés les premiers susurrements dans les feuilles, avait pris la pose gourmande et charmée d une personne à l oreille délicate qui s apprête à goûter toutes les finesses d une symphonie aimée. Elle parut ravie de la douceur exquise des phrases musicales du début; elle suivit ensuite, avec une attention de connaisseur, les renflements de sa voix, l épanouissement de l orage final, ménagé avec tant de sciences; et quand la voix eut acquis tout son développement, quand elle tonna, grandie par les échos de la nef, la petite baronne ne put retenir un bravo discret, un hochement de satisfaction.
Dés lors, ce fut une jouissance céleste. Toutes les dévotes se pâmaient.

Van Googh

Cependant, le vicaire disait quelque chose; sa musique accompagnait des paroles. Il prêchait sur le jeune, il disait combien était agréable à Dieu les mortifications de la créature. Penché au bord de la chaire, dans son attitude de grand oiseau blanc, il soupirait:
"-L heure est venue , mes frères et mes soeurs, ou nous devons tous, comme Jésus porter notre croix, nous couronner d épines, monter notre calvaire, les pieds nus sur les rocs et dans les ronces"
La petite baronne trouva sans doute la phrase mollement arrondie, car elle cligna doucement les yeux, comme chatouillée au coeur. Puis la symphonie du vicaire la berçant, tout en continuant à suivre les phrases mélodiques, elle se laissa aller à une demi- rêverie pleine de voluptés intimes.
En face d elle, elle voyait une des longues fenêtres du choeur, grise de brouillard. La pluie ne devait pas avoir cessé. La chére enfant était venue au sermon par un temps atroce. Il faut bien pâtir un peu quand on a de la religion. Son cocher avait reçu une averse épouvantable et elle même, en sautant sur le pavé, s était légèrement mouillé le bout des pieds. Son coupé était d ailleurs excellent, clos, capitonné comme une alcôve. Mais c est si triste de voir, au travers des glaces humides, une file de parapluies affairés courir sur chaque trottoir! Et elle pensait que , s il avait fait beau, elle aurait pu venir en victoria. C eut été beaucoup plus gai.
Au fond, sa grande crainte était que le vicaire ne dépêchât trop vivement son sermon. IL faudrait alors attendre sa voiture, car elle ne consentirait  certes pas à patauger par un temps pareil. Et elle calculait que, du train dont il allait, jamais le vicaire n aurait de la voix pour deux heures; son cocher arriverait trop tard. Cette anxiété lui gâchait un peu ses joies dévotes.




Les curés savaient manipuler leur auditoire


Le vicaire, avec des colères brusques qui le redressaient, les cheveux secoués, les poings en avant, comme un homme en proie à l esprit vengeur, grondait:
-"Et surtout malheur à vous, pécheresses, si vous ne versez pas sur les pieds de Jésus le parfum de vos remords, l huile odorante de vos repentirs. Croyez- moi, tremblez, et tombez à deux genoux sur la pierre; C est en venant vous enfermer dans le purgatoire de la pénitence, ouvert par l Église pendant ces jours de contrition universelle; C est en usant les dalles de vos fronts palis par le jeune, en descendant dans les angoisses de la faim et du froid, du silence et de la nuit, que vous méritez le pardon divin, au jour fulgurant du triomphe!"
La petite baronne tirée de sa préoccupation par ce terrible éclat, dodelina de la tête, lentement, comme étant tout à fait de l  avis du prêtre courroucé. Il allait prendre les verges, se mettre dans un coin bien noir, bien humide, bien glacial, et là se donner du fouet; cela ne faisait pas de doute pour elle.
Puis elle retomba dans ses songeries; elle se perdit au fond d un bien être, d une extase attendrie. Elle était assise à l aise sur une chaise basse, à large dossier, et elle avait sous les pieds un coussin brodé qui lui empêchait de sentir le froid de la salle. A demi renversée, elle jouissait de l Église, de ce grand vaisseau ou traînaient des vapeurs d encens, dont les profondeurs pleines d ombres mystérieuses s emplissaient d adorables visions. La nef, avec ses tentures de velours rouge, ses ornements d or et de marbre, avec son air d immense boudoir plein de senteurs troublantes, éclairé de clartés tendres de veilleuses, clos et comme prêt pour des amours surhumaines, l avait peu à peu enveloppée du charme de ses pompes. C était la fête de ses sens. Sa jolie personne grasse s abandonnait, flattée , bercée caressée. Et sa volupté venait surtout de se sentir si petite dans une si grande béatitude.
Mais à son insu, ce qui la chatouillait encore le plus délicieusement, c était l haleine tiède de la bouche de chaleur ouverte presque sous ses jupes. Elle était très frileuse, la petite baronne. La bouche de chaleur soufflait discrètement ses caresses chaudes le long de ses bas de soie. Des assoupissement la prenaient, dans ce bain d une souplesse molle.





Rubens
                                                     Le vicaire était toujours pleins de courroux. Il plongeait toutes ses dévotes présentes dans l huile bouillante de l enfer .
-"Si vous n écoutez pas la voix de Dieu, si vous n écoutez pas ma voix, qui est celle de Dieu lui même, je vous le dis en vérité, vous entendrez un jour vos os craquer d angoisse, vous sentirez votre chair se fendre sur des charbons ardents, et alors c est en vain que vous crierez: "Pitié seigneur, pitié, je me repens!" Dieu sera sans miséricorde et, du pied, vous rejettera dans l abîme!"
Au dernier trait, il y eut un frisson dans l auditoire. La petite baronne, qu endormait décidément l air chaud qui courrait dans ses huppes, sourit vaguement. Elle connaissait beaucoup le vicaire, la petite baronne. La veille il avait dîné chez elle. Il adorait le pâté de saumon truffé, et le Pommard était son vin favori.
C était , certes un bel homme, trente cinq à quarante ans, le visage si rond et si rose, qu on eut volontiers pris ce visage de prêtre pour la face réjouie d une servante de ferme. Avec cela, homme du monde, belle fourchette, langue bien pendue. Les femmes l adoraient, la petite baronne en raffolait. Il lui disait d une voix si adorablement sucrée: "-Ah Madame, avec une telle toilette, vous damneriez un saint."
Et il ne se damnait pas , le cher homme. Il courrait débiter à la comtesse, à la marquise, à ses autres pénitentes, la même galanterie, ce qui en faisait l enfant gâté de ces dames.
Quand il allait dîner chez la petite baronne, le jeudi, elle le soignait en chére créature que le moindre courant d air pourrait enrhumer, et à laquelle un mauvais morceaux donnerait infailliblement une indigestion. Au salon, son fauteuil était au coin de la cheminée; à table, les gens de service avaient ordre de veiller particulièrement sur son assiette, de verser à lui seul, un certain Pomard âgè de douze ans, qu il buvait en fermant les yeux de ferveur, comme s il eut communié.
Il était si bon, si bon, le vicaire! Tandis que, du haut de sa chaire, il parlait d os qui craquent et de membres qui grillent, la petite baronne, dans l état de demi-sommeil ou elle était, le voyait à ,sa table, s essuyant béatement les lèvres en disant: -" Voici Madame, une bisque qui vous ferait trouver grâce auprès de Dieu le Père, si votre beauté ne suffisait déjà pas pour vous assurer le Paradis."







L Abbé était un gourmand qui aimait se faire inviter par ses paroissiennes                    



Le vicaire, quand il eut usé de la colère et de la menace, se mit à sangloter. C était d habitude sa tactique. Presque à genoux dans la chaire, ne montrant plus que les épaules, puis, tout d un coup se relevant, se pliant, comme battu par la douleur, il s essuyait les yeux, avec de grands froissement de mousseline empesés, il jetait ses bras en l air, à droite, a gauche, prenant des poses de pélican blessé. C était le bouquet, la finale, le morceau à grand orchestre, la
 scène mouvementée du dénouement.
-"Pleurez, pleurez, larmoyait-il, la parole expirante; Pleurez sur vous, pleurez sur moi, pleurez sur Dieu..."
La petite baronne dormait tout à fait, les yeux ouverts. La chaleur, l encens, l ombre croissante, l avaient comme engourdie. Elle s était pelotonnée, elle s était renfermée dans des sensations voluptueuses qu elle éprouvait; et sournoisement, elle rêvait des choses agréables.
A coté d elle dans la chapelle des Saints anges, il y avait une grande fresque, représentant un groupe de beaux jeunes hommes, à demi-nus, avec des ailes dans le dos. Ils souriaient, d un sourire d amants transis, tandis que leur attitude penchées, agenouillées, semblaient adorer quelques petites baronne invisibles. Les beaux garçons, lèvres tendues, peau de satin, bras musculeux! Le pis était que l un d entre eux ressemblait absolument au jeune duc de P...., un des bons amis de la petite baronne. Dans son assoupissement, elle se demandait si le duc serait bien ,nu, avec des ailes dans le dos. Et, par moments, elle s imaginait que le grand chérubin rose portait l habit noir du duc. Puis, le rêve se fixa: ce fut véritablement le duc, court vêtu, qui, du fond des ténèbres, lui envoyait des baisers.








La baronne rafollait de lui


Bossuet fut un orateur un évêque et un orateur célèbre.


Quand la petite baronne se réveilla, elle entendit le vicaire qui disait la phrase sacramentelle:
"-Et c est la grâce que je vous souhaite."
Elle resta un instant étonnée; elle cru que le vicaire lui souhaitait les baisers du jeune Duc.
Il y eut un grand bruit de chaises. Tout le monde s en alla; La petite baronne avait deviné juste, son cocher n était point encore au bas des marches. Ce diable de vicaire avait dépêché son sermon, volant à ses pénitentes au moins vingts minutes d éloquence;
Et comme la petite baronne s impatientait dans une nef latérale, elle rencontra la vicaire qui sortait précipitamment de la sacristie. Il regarda l heure à sa montre, il avait l air affairé d un homme qui ne veut point manquer un rendez-vous.
-"Ah! je suis en retard, chére Madame! dit il. Vous savez, on m attend chez la comtesse. Il y a un concert spirituel suivit d une collation."


Voilà, mes chéres amies, ce texte était écrit par Emile Zola, j espére qu il ne vous a pas semblé trop long et qu il vous a plu.litteratureaudio.com c est dans ce site fort bien fait que j ai trouvé ce texte.














La Mère sauvage(1)

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Une image d Epinal (Soldats français)


Je n étais point revenu à Virelogne depuis quinze ans. J y retournai chasser, à l automne, chez mon ami Serval, qui avait enfin fait reconstruire son château, détruit par les Prussiens.
J aimais ce pays infiniment. Il est des coins du monde délicieux qui ont pour les yeux un charme sensuel. On les aime d un amour physique. Nous gardons, nous autres que séduit la terre, des souvenirs tendres pour certaines sources, certains bois, certains étangs, certaines collines, vus souvent et qui nous ont attendris à la façon des événements  heureux. Quelquefois même la pensée  retourne vers un coin de forêt, ou au bout d une berge, ou un verger poudré de fleurs, aperçus une seule fois, par un jour gai, et resté en notre coeur comme ces images de femmes rencontrées dans la rue, un matin de printemps, avec une toilette claire et transparente, et nous laissent dans l âme et dans la chair un désir inapaisé, inoubliable , la sensation du bonheur coudoyé.
A Virelogne , j aimais toute la campagne, semée de petits bois et traversée par des ruisseaux qui courraient dans le sol comme des veines portant le sang à la terre. On pêchait là dedans des écrevisses, des truites et des anguilles! Bonheur divin! On pouvait se baigner par places, et on trouvait souvent des bécassines dans les hautes herbes qui poussaient sur les bords de ces minces cours d eau.

La garde , une corvée qui n en finit pas (Français)


J allais léger comme une chèvre, regardant mes deux chiens fourrager devant moi. Serval, à cent mètres sur ma droite, battait un champs de luzerne. Je tournais les buissons qui forment la limite du bois des Saudres, et aperçu une chaumière en ruines.
Tout à coup, je me la rappelai telle que je l avais vue pour la dernière fois en 1869, propre, vêtue de vignes, avec des poules devant la porte. Quoi de plus triste qu une maison morte, avec son squelette debout, délabré, sinistre?
Je me rappelai aussi qu une femme m avait fait boire un verre de vin là dedans, un jour de grande fatigue, et que Serval m avait dit alors l histoire des habitants. Le Père, vieux braconnier, avait été tué par les gendarmes. Le fils, que j avais vu autrefois, était un grand garçon sec qui passait également pour un féroce destructeur de gibier. On les appelait les Sauvages.
Etait- ce un nom ou un sobriquet?
Je hélai Serval. Il s en vint de son long pas d échassier.
Je lui demandais:
-"Que sont devenus ces gens de là?"
Et il me conta cette aventure.

La cavalerie en pleine charge(Prussiens)


Lorsque la guerre fut déclarée, le fils Sauvage, qui avait alors trente trois ans, s engagea, laissant la mère seule au logis. On ne la plaignait pas de trop, la vieille, parcequ' elle avait de l argent, on le savait.
Elle resta donc toute seule dans cette maison isolée si loin du village, sur la lisière des bois. Elle n avait pas peur, du reste, étant de la même race que ses hommes, une rude vieille, haute et maigre, qui ne riait pas souvent et avec qui on ne plaisantait point. Les femmes des champs ne rient guère d ailleurs. C est l affaire aux hommes, cela! Elles ont l âme triste et bornée, ayant une vie morne et sans éclaircies. Le paysan apprend un peu de gaieté bruyante au cabaret, mais sa compagne reste sérieuse avec une physionomie constamment sévère. Les muscles de leur face n ont point appris les mouvements du rire.
La mère Sauvage continua son existence ordinaire dans sa chaumière , qui fut bientôt couverte par les neiges. Elle s en venait au village, une fois par semaine, chercher du pain et un peu de viande; puis elle retournait dans sa masure. Comme on parlait des loups, elle sortait le fusil au dos, le fusil du fils, rouillé, avec la crosse usée par le frottement de la main; et elle était curieuse à voir, la grande Sauvage, un peu courbée, allant à lentes enjambées dans la neige, le canon de l arme dépassant la coiffe noire qui lui serrait la tête et emprisonnait ses cheveux blancs, que personne n avait jamais vus.

Rue par rue, maison par maison( Soldats français)

Un jour, les Prussiens arrivèrent. On les distribua aux habitants, selon la fortune et les ressources de chacun. La vieille qu on savait riche en eut quatre.
C étaient quatre gros garçons à la chaire blonde, à la barbe blonde, aux yeux bleus, demeurés gras malgrès les fatigues qu ils avaient endurées déjà, et bons enfants, bien qu en pays conquis. Seuls, chez cette femme âgée, ils se montrèrent pleins de prévenances pour elle, lui épargnant , autant qu ils le pouvaient, des fatigues et des dépenses. On les voyait tous les quatre faire leur  toilette autour du puits, le matin, en manches de chemise, mouillant à grande eau, dans le jour cru des neiges, leur chair blanche et rose d hommes du Nord, tandis que la Mère sauvage allait et venait, préparant la soupe. Puis on les voyait nettoyer la cuisine, frotter les carreaux, casser du bois, éplucher les pommes de terre, laver le linge, accomplir toutes les besognes de la maison, comme quatre bons fils autour de leur mère.
Mais elle pensait sans cesse au sien, la vieille, à son grand maigre au nez crochu, aux yeux bruns, à la forte moustache qui faisait sur sa lèvre un bourrelet de poils noirs. Elle demandait chaque jour, à chacun des soldats installés au foyer:
-"Savez vous ou est parti le régiment français, vingt- troisième de marche? Mon garçon est dedans."
Ils répondaient: -"Non, bas su, bas savoir du tout." Et Comprenant sa peine et ses inquiétudes, eux qui avaient des mères là bas, ils lui rendirent mille petits soins. Elle les aimait bien, d ailleurs, ses quatre ennemis; car les paysans n ont guère les haines patriotiques, cela n appartient qu aux classes supérieures. Les humbles, ceux qui paient le plus parcequ ils sont pauvres, et que toute charge nouvelle les accable, ceux qu on tue par masses, qui forment la chair à canon, parcequ ils sont le nombre, ceux qui souffrent enfin le plus cruellement des atroces misères de la guerre, parcequ ils sont les plus faibles et les moins résistants, ne comprennent guère ces ardeurs belliqueuses, ce point d honneur excitable et ces prétendues combinaisons politiques qui épuisent en six mois deux nations, la victorieuse comme la vaincue.
On disait dans le pays, en parlant des Allemands de la mére Sauvage: -"En v'là quatre qu ont trouvé leur gite.";
Or, un matin, comme la vieille était seule au logis, elle aperçu au loin dans la plaine un homme qui venait vers sa demeure. Bientôt, elle le reconnut, c était le piéton chargé de distribuer les lettres. Il lui remit un papier plié et elle tira de son étui, les lunettes dont elle se servait pour coudre; puis elle lut:"Madame Sauvage, la présente est pour vous porter une triste nouvelle. Votre garçon Victor a été tué hier par un boulet, qui l a censément coupé en deux parts. J étais tout prés, vu que nous nous trouvions côte à côte dans la compagnie et qu il me parlait de vous pour vous prévenir au jour même s il lui arrivait malheur.
"J ai pris dans sa poche sa montre pour vous la reporter quand la guerre sera finie.
"Je vous salue amicalement.
Césaire Rivot ,
"Soldat de 2e classe au 23e de marche

Les différents régiments de l armée Prussienne

Voici la première partie d une nouvelle écrite par Guy de Maupassant. La suite je vous la raconterai bientôt  litteratureaudio.com c est le lien de ce texte.



La mère Sauvage (fin)

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La lettre était datée de trois semaines.
Elle ne pleurait point.Elle demeurait immobile, tellement saisie, hébétée, qu elle ne souffrait même pas encore. Elle pensait-"V là le victor qu est tué, maintenant." Puis peu à peu les larmes montèrent à ses yeux, et la douleur envahit son coeur. Les idées lui venaient une à une, affreuses,torturantes. Elle ne l embrasserait plus, son enfant, son grand, plus jamais! Les gendarmes avaient tué le père , les Prussiens avaient tué le fils... Il avait été coupé en deux par un boulet. Et il lui semblait qu elle voyait la chose, la chose horrible: la tête tombant, les yeux ouverts, tandis qu il mâchait le coin de sa grosse moustache, comme il faisait aux heures de colère.
Qu est ce qu on avait fait de son corps, après? Si seulement on lui avait rendu son enfant, comme on lui avait rendu son mari, avec sa balle au milieu du front?
Mais elle entendit un bruit de voix. C étaient les Prussiens qui revenaient du village. Elle cacha bien vite la lettre dans sa poche et elle les reçu tranquillement avec sa figure ordinaire, ayant eu le temps de bien essuyer ses yeux.
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Il fallait du temps pour recharger l arme


Ils riaient tous les quatre, enchantés, car ils rapportaient un beau lapin, volé sans doute, et ils faisaient signe à la vieille qu on allait manger quelque chose de bon.
Elle se mit tout de suite à la besogne pour préparer le déjeuner; mais il fallu tuer le lapin, et le coeur lui manqua. Ce n était pas le premier pourtant! Un soldat l assomma d un coup de poing derriére les orreilles. Une fois la béte morte, elle fit sortir le corp rouge de la peau; mais la vue du sang qu elle maniait, qui lui couvrait les mains, du sang tiéde qu elle sentait se refroidir et se coaguler,  la faisait trembler de la téte aux pieds; et elle voyait toujours son grand coupé en deux, et tout rouge aussi, comme cet animal encore palpitant.
Elle se mit à table avec les Prussiens, mais elle ne put manger, pas méme une bouchée. Ils dévorérent le lapin sans méme s occupper d elle. Elle les regardait de coté, sans parler, murissant une idée, et le visage tellement impassible qu ils ne s aperçurent de rien.
Tout à coup, elle demanda:-" Je ne sais seulement pas vos noms, et v là un mois que nous sommes ensemble." Ils comprirent non sans peine ce qu elle voulait, et dirent leur nom. Cela ne lui suffisait pas; elle se les fit écrire sur un papier, avec l adresse de leur famille, et, reposant ses lunettes sur son grand nez, elle considéra cette écriture inconnue, puis elle plia la feuille et la mit dans sa poche, par dessus la lettre qui lui disait la mort de son fils.




La Vieille se rendait une fois par semaine au village pour acheter du pain et de la viande


Quand le repas fut fini, elle dit aux hommes:
-"J 'vas travailler pour vous."
Et elle se mit à monter du foin dans le grenier ou ils couchaient.
Ils s étonnèrent de cette besogne; Elle expliqua qu ils auraient moins froid; Et ils l aidèrent. Ils entassaient les bottes jusqu au toit de paille; Et ils firent ainsi une sorte de grande chambre avec quatre murs de fourrage, chaude et parfumée, ou ils dormiraient à merveille.
Au dîner, un d eux s inquiéta que la mère Sauvage  ne mangeait point encore. Elle affirma qu elle avait des crampes. Puis, elle alluma un bon feu pour se chauffer, et les quatre Allemands montèrent dans leur logis par l échelle qui leur servait tous les soirs.
Dés que le trappe fut refermée, la vieille enleva l échelle, puis rouvrit sans bruits la porte du dehors, et elle retourna chercher des bottes de paille dont elle emplit sa cuisine. Elle allait nu pieds, dans la neige, si doucement qu on entendait rien. De temps en temps elle écoutait les ronflements sonores et inégaux des quatre soldats endormis.

Le combat était rude


Quand elle jugea suffisant ses préparatifs, elle jeta dans le foyer une des bottes, et lorsqu elle fut enflammée, elle l éparpilla sur les autres, puis elle ressortit et regarda.
Une clarté violente illumina en quelques secondes tout l intérieur de la chaumière, puis ce fut un brasier effroyable, un gigantesque four ardent, dont la lueur jaillissait par l étroite fenêtre et qui jetait sur la neige un éclatant rayon.
Puis, un grand cris partit du sommet de la maison, puis ce fut une clameur de hurlements humains, d appels déchirants d angoisse et d épouvante. Puis la trappe s étant écroulée vers l intérieur, un tourbillon de feu s élança dans le grenier, perça le toit de paille, monta au ciel comme une immense torche; et toute la chaumière flamba.
On entendait plus rien dedans que le crépitement de l incendie, le craquement des murs, l écroulement des poutres. Le toit tout à coup s effondra, et la carcasse ardente de la demeure lança dans l air, au milieu d un nuage de fumée, un grand panache d étincelles.
La campagne, blanche, éclairée par le feu, luisait comme une nappe d argent teintée de rouge.
Une cloche au loin se mit à sonner.
La vieille Sauvage restait debout, devant son logis détruit, armée de son fusil, celui du fils, de crainte qu un des hommes n échappât.
Chaque maison offrait un abris


Quand elle vit que c était fini, elle jeta son arme dans le brasier. Une détonation retentit.
Des gens arrivaient, des paysans, des Prussiens.
On trouva la femme assise sur un tronc d arbre, tranquille et satisfaite.
Un officier allemand , qui parlait le français comme un fils de France, lui demanda:
"-Ou sont vos soldats?"
Elle tendit son bras maigre vers l amas rouge de l incendie qui s éteignait, et elle répondit d une voix forte:
-"La dedans!"
On se pressait autour d elle. Le Prussien demanda:
-"Comment le feu a t il prit?"
Elle prononça:
-"C'est moi qui l ai mis".
On ne la croyait pas, on pensait que le désastre l avait rendue folle. Alors, comme tout le monde l entourait et l écoutait, elle dit la chose d un bout à l autre, depuis l arrivée de la lettre jusqu au dernier cris des hommes flambés avec sa maison. Elle n oublia pas un détail de ce qu elle avait ressenti ni de ce qu elle avait fait.
Quand elle eut fini, elle tira de sa poche deux papiers, et, pour les distinguer aux dernières lueurs du feu, elle rajusta encore ses lunettes, puis elle prononça, montrant l un: -" Ça, c est la mort de Victor."Montrant l autre, elle ajouta, en désignant les ruines rouges d un coup de tête:-" Ça c est leur nom pour qu on écrive chez eux." Elle tendit tranquillement la feuille blanche à l officier, qui la tenait par les épaules, et elle reprit:
-"Vous écrirez comment c est arrivé, et vous direz à leurs parents que c est moi qui ait fait ça. Victoire Simon, la Sauvage! N oubliez pas."
L officier criait des ordres en allemand. On la saisit, on la jeta contre les murs encore chauds de son logis. Puis douze hommes se rangèrent vivement en face d elle, à vingt mètres. Elle ne bougea point. Elle avait compris, elle attendait.
Un ordre retentit, qu une longue détonation suivit aussitôt. Un coup attardé partit tout seul, après les autres.
La vieille ne tomba point. Elle s affaissa comme si on l eut fauché les jambes.
L officier prussien s approcha. Elle était presque coupée en deux, et de sa main crispée elle tenait sa lettre baignée de sang.
Mon ami Serval ajouta:
-" C est par représailles que les Allemands ont détruit le château du pays, qui m appartenait."
Moi, je pensais aux mères des quatre doux garçons brûlés là dedans; et à l héroïsme atroce de cette autre mère, fusillée, contre ce mur.
Et je ramassai une petite pierre, encore noircie par le feu.



Spectacle de désolation

Voilà, mes chéres amies, j espére que ce texte vous aura divertit.
litteratureaudio.com


Il ne restait que le squellette de la maison
La vieille ne ménageait pas sa peine (Courbet)

Elle travaillait dans la maison (Millet)

Blog en pause

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Pendant quelques semaines j ai beaucoup de travail: J ai déjà construit une autre étagère pour y placer mes livres, et maintenant, je peins le couloir , la salle à manger, la cuisine, et la cage d escalier. Comme vous pouvez le voire j ai déjà enlevé le papier des murs. Alors ces prochains temps , je ne serais pas beaucoup sur le net.
 A bientôt
Latil

Le Valais

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L appel du vin, et oui, je vais faire un tour là bàs. Ensuite il me faut encore finir de poser les papiers peints dans le couloir, couper et déraciner 3 arbres qui sont morts ou malades.
 Je vous remercie beaucoup pour tous vos messages qui m ont réchauffé le coeur , je reviendrai dans 3 semaines.Demain Mardi 9 octobre, je dois me rendre à l hopital de Strasbourg pour subir un nouveau traitement, contre les saignements de nez. On doit m appliquer un spray avec un médicament semblable  a ceux dont on se sert pour lutter contre le cancer.
Amicalement
Latil

Renault Juvaquatre ( & Dauphinoise)

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Renault Juvaquatre 1938 (carrosserie coach)

La Renault Juvaquatre avait été construite entre 1937 et 1960.
Commercialisée sous forme d un coach 2 portes au départ, elle fut aussi offerte en berline 4 portes et en fourgonnette  à partir de 1939.
Sa carrosserie monocoque( sans chassis) est une premiére chez Renault ainsi que les roue avant indépendantes. Malheureusement au début elle ne possédait pas de porte arrière de coffre et il fallait y accéder en basculant les siéges arriéres des passagers.
Progrés important, en 1940, elle reçoit des freins à commande hydraulique en place de ceux à cables.

Juvaquatre 1938 Vue arriére

Un simple bouton de contact permettait de la démarrer

Juvaquatre berline 4 portes 1939

En 1953, elle reçoit le moteur de la 4cv, puis en 56, celui de la Dauphine ainsi qu un nouveau nom: Dauphinoise.



Ici réquisitionnée par les FFI

Sa carriére extrément  longue(23 ans) est due au fait que pendant toutes ces années Renault n a produit que des voitures à moteur arriére, il n était pas possible d en faire des fourgonnettes.

Dauphinoise en version fourgonnette vers 1957

Sa remplaçante fut la Renault 4 en 1961.

Dauphinoise en version break vers 1958

Aves sa boite à 3 vitesses seulement, elle atteignait la vitesse de 100 km/h.
Sa puissance était de 21 à 26 cv et elle consommait 9 L/100.
Mon Pére avait payé la sienne 650000 anciens francs de 1957 soit 12000€

Le Valais

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Ici une petite vidéo pour vous présenter le Valais . Les derniéres photos avec l église appartiennent à un autre Canton, celui du Simmenthal, prés de Zweizimen
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